Raimondin viole la promesse qu’il avait fait à Mélusine. Et elle le quitte metamorphosée en serpent.
IL restoit encore cinq enfans à Raimondin, dont les deux plus âgez se nommoient l’un Froimont, & l’autre Geoffroy. Nous avons dit que le dernier étoit né avec une dent semblable à la défense d’un sanglier, & qu’il fut surnommé, à cause de cette marque, Geoffroy à la Grand’dent. Ce fut le plus furieux homme de la terre. Dés sa tendre jeunesse, il fit mourir plusieurs nourrices, pour les avoir tetéesavec trop de force ; & à peine avoitil sept ans, qu’il tua deux de ses Ecuyers. Il n’a jamais trouvé d’homme qui ait pû le vaincre en combat singulier. Il fit de grandes actions, & fut Seigneur de Lusignan.
Quant à Froimont, ce fut un homme vertueux, aimant la retraite ; il se rendit Moine à Mailleres, Abbaye celebre assez voisine de Lusignan.
Geoffroy eut un tel chagrin de voir que son frere avoit pris ce party, qu’il n’estimoit pas, persuadé que c’étoit celuy d’un faineant, & qu’il faisoit tort à la splendeur de sa Maison, qu’il fit son possible pour le détourner de ce dessein. Il pressa même l’Abbé avec menace de ne le pas recevoir. Cependant voyant que malgré toutes ses sollicitations, Froimont avoit pris l’habit, il alla au Couvent, y mit le feu, & brûla tous les Moines.
Ce malheur ne fut pas plutôt arrivé, qu’un courrier vint en aporter la nouvelle à Raimondin, qui étoit pour lors à Mermande, & Melusine étoit de Niort, où elle faisoit bâtir les deux belles Tours qu’on y voit encore. Raimondin trouva cette action si horrible, qu’il n’en voulut croire que ses yeux. Il monta à cheval, & alla à Mailleres, qu’il trouva dans une terrible desolation ; car tous les Paysans des environs étant accourus, s’occupoient les uns à retirer les corps à demy brûlez, les autres à éteindre les flammes, qui s’efforçoient de consommer le reste de l’Abbaye.
Ce triste spectacle toucha extrémement Raimondin, & le jetta dans de profondes reflexions, qui le faisant remonter jusqu’à l’origine de son mariage, luy representoient toutes les choses extraordinaires qu’il avoit veu arriver par l’operation de sa femme. La haute fortune où elle avoit élevé sa Maison, les marques mysterieuses qui paroissoient à tous ses enfans, enfin tant de prodiges luy faisoient douter qu’elle fût veritablement une femme naturelle.
Raimondin étoit plongé dans ces reflexions, lorsque Melusine arriva de Niort. Il ne put s’empêcher de luy témoigner la colere où il étoit de l’action de son fils. Elle, qui en étoit aussi tres bien informée, blâma beaucoup Geoffroy ; mais comme elle avoit un grand ascendant sur l’esprit de son mary, elle luy rendit bien-tôt la tranquillité ; & les raisons dont elle se servit, furent singulieres. Elle luy representa que rien en ce monde n’arrivant que par la volonté de Dieu, dont les jugemens sont merveilleux, il se pouvoit faire que sa justice s’étoit voulu servir de Geoffroy, pour punir ces Moines, trop sensuels pour lors, & qui menoient une vie scandaleuse. Que cependant, pour reparation du tort que souffroit l’Eglise, elle alloit faire rebâtir cette Abbaye plus belle qu’elle n’étoit, & capable d’y loger un plus grand nombre de Religieux, qui deserviroient l’Autel avec plus de pieté ; & que pour son fils, on pouvoit considerer son action comme un zele, qui prouvoit l’élevation de son cœur. Aprés ce beau raisonnement, Melusine prit soin de faire rétablir l’Abbaye. En effet, elle la rendit plus belle qu’auparavant.
Dans ces entrefaites, le Comte de Forest, frere de Raimondin, dont nous avons parlé, vint à Lusignan, où il fut receu avec une joye fort grande, parce qu’il y avoit long-tems qu’il n’y étoit venu. Il arriva justement un Samedy, jour que Melusine n’étoit visible à personne, pas même à son mary, suivant cette convention que nous avons dite, & qui étoit l’article secret de leur mariage. Le Comte avoit un dessein formé à ce sujet ; ce qui fit qu’il demanda à la voir avec empressement ; & Raimondin ne sceut que répondre : de sorte que le Comte prenant un serieux affecté, dît à son frere, qu’il étoit obligé de l’avertir des bruits qui couroient contre son honneur à l’égard de sa femme ; les uns assurans qu’elle avoit un rendez-vous tous les Samedis avec un galant ; les autres, qu’elle étoit un esprit Fée, qui faisoit sa penitence ces jours là.
Raimondin entendant ces paroles se leva tout furieux, prit son épée, & sans songer à ce qu’il avoit promis avec tant de sermens à sa femme, courut à l’endroit où il sçavoit qu’elle se retiroit tous les Samedis. Le lieu étoit obscur & fait exprés pour cette retraite. Jamais il n’avoit éte si avant dans le Donjon de la Forteresse ; il y trouva une porte de fer qu’il tâta par tout avec la main, & n’y rencontra aucune ouverrure que le deffaut d’un clou où il mit la pointe de son épée, qui étoit de bonne trempe, & la tourna si long-tems qu’il fit un petit trou par où il vit Melusine qui se baignoit dans une grande cuve de marbre. Elle étoit toute nuë, & plongée dans l’eau jusqu’à la ceinture ; la partie superieure de son corps paroissoit à son ordinaire, ayant les cheveux épars, & un peigne à la main; quant à la partie inferieure, elle ressembloit à la queuë d’un serpent grosse à proportion du corps, & elle l’agitoit d’une si grande force, à cause qu’elle ressentoit des peines terribles de ce qu’on la regardoit, qu’elle faisoit rejallir l’eau jusqu’à la voute du salon.
Raimondin n’eut pas plûtost aperçu cet horrible spectacle, qu’il se repentit de sa curiosité, & connut ** Qu’en matiere de Femme il est souvent dangereux de voir plus qu’elle ne veut qu’on voye. Enfin, affligé au dernier point d’avoir violé sa promesse, il courut à sa chambre, prit de la cire & boucha le funeste trou par où il avoit vu sa perte : Ensuite il alla retrouver son frere contre lequel il eut tous les emportemens imaginables, jusqu’à luy commander de sortir à l’heure même de chez luy; à quoy le Comte obéït, & partit aussitost, quoy qu’il fût fort tard, pour s’en retourner en Forest, chagrin d’avoir obligé son frere à luy faire un si dur traitement.
D’autre côté, Melusine qui sentoit des tourmens infinis, resta dans les mêmes peines jusqu’à minuit, qui étoit le tems où il luy étoit libre de sortir du lieu de sa penitence. De là elle alla trouver Raimondin à son ordinaire dans son lit. Il est aisé de juger qu’il n’avoit pas fermé l’œil, depuis qu’il s’étoit couché, persuadé du malheur qui luy devoit arriver. Quand il entendit venir Melusine, il fit semblant de dormir, & continua cette feinte jusqu’au tems qu’il avoit coutume de se lever.
Melusine voyant son mary dans le repos, ne voulut point le troubler ; elle passa ainsi le reste de la nuit auprés de luy ; mais le Soleil étant levé elle sortit du lit, sans attendre que ses Dames fussent entrées dans sa chambre, & elle alla s’enfermer dans un Cabinet, où on l’entendoit pleurer & soupirer avec tant d’effort, que ses Officiers en furent alarmez.
Cependant Raimondin se tenoit toûjours au lit, penetré aussi de sa douleur, qui fut prodigieusement augmentée, quand un de ses Gentilshommes vint lui dire l’état où étoit son Epouse. Il se leva promptement, & entrant dans le Cabinet, il la trouva étenduë par terre, se debattant comme si elle eût été possedée. Ce triste objet le saisit, & fondant en larmes il se mit en devoir de la relever, mais elle luy dît : Mon cher amy, il ne vous est plus permis de me toucher, & à moy de rester en vôtre compagnie. Vous avez violé vos sermens, & par cette funeste action vous me rengagez dans une penitence qui ne finira qu’au Jugement dernier. Si vous m’aviez tenu la parole que vous m’aviez donnée de ne me jamais voir les Samedis, je fusse toûjours restée comme vous m’avez vûe, je serois morte d’une mort naturelle, & me voilà replongée dans l’abyme de mes douleurs.
Achevant ces paroles, elle s’agita beaucoup, fit des cris horribles, & Raimondin en fut tellement épouvanté, qu’il tomba en foiblesse auprés d’elle.
Cependant le bruit de ce terrible évenement s’étant répandu par tout, les Barons & autres personnes considerables accoururent au Château, & furent sensiblement touchez de voir un si triste accident. Melusine faisoit des cris qui perçoient le cœur, & elle repetoit de tems en tems ces paroles : Quoy, faut-il que je quitte ces lieux que j’ay tant cheris ? Et tout le monde pleuroit à torrens, car elle étoit extrêmement aymée.
Les plus familiers de ses Courtisans & ses Dames d’honneur voulurent essayer de la consoler, s’imaginant que c’étoit une vapeur qui la prenoit. Dans ce moment elle sembla devenir plus calme, elle se leva & alla dans la salle des Gardes, où étant arrivée avec Raimondin, elle regarda d’un œil ferme la foule de monde qui l’environnoit, & adressant la parole à son mary, elle luy dit avec une voix extraordinaire. Le Ciel veut que je vous annonce vôtre destinée avant mon départ. Sçachez qu’aprés vous, personne ne joüira de la possession de vos Terres en repos ; que vos heritiers soûtiendront des guerres tres-fortes, & que quelques uns d’entr’eux tomberont dans l’infortune par leur faute. Quant à Geoffroy, quittez le chagrin que vous pouvez avoir contre luy, car ce sera un jour le plus vaillant homme de la terre, & il soûtiendra l’honneur de Lusignan. Ce sera luy qui vengera l’action qui me force à vous quitter ; c’est à dire le pernicieux conseil qu’on vous a donné de violer vôtre promesse en me voyant. Il établira Raimondin son frere Comte de Forest. Pour Thiery, il sera Seigneur de Partenay & de toutes vos Terres, jusqu’à la Rochelle.
Ce discours finy elle tira son mary à part auprés d’une fenestre, & fit aprocher les principaux Barons, puis continua ainsi.
Vous sçavez que mon dernier fils a trois yeux ; sa fatalité est de détruire tout ce que j’ay édifié, & d’entretenir des guerres immortelles dans le pays ; c’est pourquoy faitesle mourir aussi-tost que j’auray disparu à vos yeux, & n’y manquez pas.
Raimondin prenant la parole promit à Melusine d’executer tout ce qu’elle luy enjoignoit, & la suplia, fondant en larmes, de ne point le quitter.
Cela ne dépend pas de moy, s’écriat-elle ; c’est Dieu, dont les jugemens sont impenetrables, qui me l’ordonne, & je sens que le moment de nôtre cruelle separation approche.
Comme elle disoit ces mots on remarqua que son visage commençoit à s’allonger, & à se défigurer, que sa peau devenoit écaillée, que ses bras prenoient la forme de deux aîles ; & un moment aprés, s’élevant sur la fenêtre, qui étoit proche, elle dit adieu à son mary, & à tous les assistans avec une voix toute changée, & les chargea de nouveau d’executer ponctuellement ses dernieres volontez. Ensuite ou vit sortir de ses habits un Serpent aîlé, long d’environ huit pieds, qui s’élançant en l’air, fit par trois fois le tour de la Forteresse, & poussoit des cris terribles chaque fois qu’il passoit devant la fenêtre ; puis s’éloignant d’un vol assez lent, on le perdit peu à peu de veuë L’impression de son pied resta sur la pierre de la même fenêtre, & ce vestige y a demeuré jusqu’en 1574. que cette Forteresse fut démolie par les raisons que nous avons deduites dans la Preface.
Le President de Boissieu dit dans ce qu’il * rapporte de Melusine, qu’elle choisit pour retraitte une des montagnes de Sassenages prés de Grenoble, à cause de certaines cuves qu’on y voit, & qu’elle leur communiqua une vertu qui fait aujourd’huy une des sept merveilles du Dauphiné Ces cuves sont au nombre de deux. Leur beauté & leur grandeur surprennent, & elles sont si heureusement taillées dans le roc, qu’il est aisé de voir que la nature seule y a travaillé.
Melusine ayant choisi ce lieu pour sa retraite, & ces cuves pour continuer ses bains, leur donna la vertu de présager les tems, c’est-à dire d’annoncer la fertilité ou la sterilité des recoltes par une quantité d’eau dont elles se remplissent naturellement en certain tems. Lors qu’elles doivent être fertiles, l’eau surpasse les bords, & se répand avec abondance ; elles ne sont qu’à moitié pleines pour les années mediocres ; & elles demeurent seches, quand elles marquent la sterilité. L’une de ces cuves est consacrée pour les grains, & l’autre pour le vin. Il est juste de raporter icy de quelle maniere l’Auteur fait parler cette puissante Fée au même sujet, lors qu’aprés avoir décrit son depart de Lusignan, elle prit possession de ces montagnes escarpées.
Lusinianæos postquam Melusina penates,
Indignata viro colubri sub imagine liquit, &c.
Hæc, ait, quæsitum præbebunt antra recessum,
Néve piis videar posthac ingrata colonis,
Queis me proluerim tinæ sint fertilis anni
Signa, probaturam nunquam fallentia gentem.
Ut cum festa dies Eoâ luce micabit,
Quâ Sassenagiis successi finibus exul,
Utraque desudet puris ex tempore lymphis,
Et largas segetes Hæc denotet, Illa racemos.
Voicy l’antre que je choisis pour ma retraite ; & afin de ne point paroître ingrate envers les peuples qui habitent cette contrée, je veux que ces cuves, où je me baigneray doresnavant, ayent le don de présager la fertilité des années, & avec tant de certitude, que les nations en connoîtront la verité. Tous les ans à pareil jour, que celuy que je suis arrivée aux montagnes de Sassenages, ces deux cuves répandront tout à coup des eaux en abondance. Celle-cy marquera la fertilité des moissons ; Celle-là des vendanges.
Cette merveille est tres-connuë dans le pays, & les peuples ne manquent jamais d’aller consulter dans les tems ordinaires les cuves de Sassenages, pour connoître quelle sera la fertilité de la moisson, & l’abondance du vin.
Il est impossible d’exprimer la tristesse où le depart de Melusine plongea non seulement ceux qui la virent, mais encore tous les peuples de ses Etats : car étant tres-charitable aux pauvres, elle leur avoit fait de grands biens. Les Couvens & les Eglises particulieres, qu’elle avoit fondez, firent des prieres pour demander à Dieu son repos, & abreger s’il se pouvoit sa dure penitence.
Quant à Raimondin, il ne voulut plus rester dans le lieu où il avoit fait une si grande perte ; il quitta la Forteresse, & s’en alla demeurer à Mermande avec ses enfans; mais avant que de partir, il donna commission aux Barons d’executer l’ordre que Melusine avoit donné à l’égard de son fils à trois yeux. Ils l’attirerent donc par de belles paroles vers un lieu souterrain, où on l’étouffa à force de fumée ; ensuite son corps fut porté à Poitiers, & enterré au Moustier-neuf.
Un évenement si étrange étonna toute la France, & fit faire des reflexions à Raimondin, qui l’obligerent à prendre la resolution d’aller à Rome, persuadé que le Pape étoit le seul qui pouvoit luy donner conseil aprés un si funeste accident, & l’absoudre même du commerce qu’il avoit entretenu tres-long tems avec une femme qui venoit de donner des preuves si évidentes d’un estre surnaturel. Il remit donc à Geoffroy la Souveraineté de Lusignan, & luy fit recevoir les hommages de tous les Barons, le chargeant aussi d’établir ses freres, suivant la volonté que leur mere avoit témoignée ; & un jour il s’en alla avec peu de suite, sans en parler à personne.
Etant arrivé à Rome, le Pape Benoist, qui regnoit pour lors, le reçut tres-bien, le confessa, & luy ordonna une retraite pour sa penitence, qui fut à Montserrat en Aragon, lieu qui étoit en grande veneration pour lors, à cause des pieux Hermites qui s’y renfermoient. Raimondin executa religieusement cette penitence : car il finit ses jours dans cette sainte retraite. Aprés sa mort, ses enfans firent aporter son corps à Lusignan.
Il reste encore beaucoup de choses à dire de cette histoire ; mais comme elles regardent la vie de Geoffroy à la Grand’dent, j’en laisse le recit à ceux qui voudront prendre la peine de la composer.
J’ajoûteray seulement une remarque, qu’on a toujours faite depuis le depart de Melusine, qui est, que suivant la prophetie de sa mere, à chaque mutation de Seigneur de Lusignan, & même à la mort de tous ceux qui sont de cette Maison, elle apparoît trois jours auparavant en forme de serpent, & fait trois tours, & trois cris plaintifs aux environs de la Forteresse.
L’Auteur, que je viens de citer, rapporte aussi la même chose en parlant de la noble Famille de Sassenage, qui sort de la Maison de Lusignan. Il fait dire à Melusine à ce sujet, par maniere de prophetie :
Quin etiam nostrâ geniti de stirpe nepotes
Lusinianæis venient ex finibus olim,
Qui Sassenagiis æqui dent jura colonis ;
Aspera gens bello, gens fortibus inclita factis.
Quin ubi Parca ferox aliquem damnaverit orco,
Mœsta subibo Lares duri prænuncia fati,
Flebilibusque leves replebo questibus auras.
Il arrivera aussi un jour que quelques-uns de mes descendans, sortans de Lusignan deviendront Seigneurs de Sassenage : ce seront de grands Guerriers, & qui feront quantité de belles actions. Enfin lorsque quelqu’un de ma Maison sera prêt de mourir, j’iray annoncer leur cruel destin par des cris, & des gemissemens.
Jean Daras assure que Serville, ce fameux Capitaine, qui défendit la Forteresse de Lusignan pour les Anglois contre le Duc de Bery, qui l’assiegeoit, jura à ce Prince, sur sa foy & sur son honneur, « Que trois jours apres la reddition de la Place, un grand serpent, *émaillé de blanc & de bleu, entra dans sa chambre les portes fermées, & vint en debat tant sa queuë sur les pieds du lit où il étoit couché avec sa femme, la quelle n’eut aucune peur, mais que luy en eut beaucoup, & que se saississant de son épée, ce serpent se changea tout d’un coup en femme, & luy dit : Comment, Serville, vous qui avez assisté à tant de sieges & à tant de batailles, vous avez peur ; sçachez que je suis la Maîtresse de cette Place, que je l’ay fait bâtir, & qu’il faut que vous la rendiez dans peu. Ces paroles achevées, elle reprit sa forme de serpent, & se glissa si vîte, qu’il ne put l’appercevoir. » Cet Auteur ajoûte, que le même Prince luy a dit, que d’autres personnes dignes de foy luy avoient juré de l’avoir vuë aussi dans le même tems en d’autres lieux du voisinage, sous la même forme.
Tous ceux qui sont de la Maison de Lusignan, sont persuadez du soin que Melusine prend toûjours de ses descendans ; & il y en a peu qui ne sçachent par la relation de leurs Ancêtres, ou par leur propre experience, ces apparitions merveilleuses.
FIN.
* Morale qu’on doit tirer de la Metamorphose de Melusine.
* Dans un excellent Poëme, qui a pour titre MELUSINA, & qu’il a dedié à la Reine de Suede Christine.
* Les Armes de Lusignan portent burelé d’argent & d’azur, avec deux Melusines pour suppôts. Le serpent se conformoit à ce Blason, qui étoit aussi celuy que Raimondin portoit comme Chevalier : car la cotte d’armes qu’il avoit, lors qu’il combattit Olivier en presence du Duc de Bretagne, étoit bordée, dit l’Histoire, d’argent & d’azur. page 74.