Chapitre II

GEOFROY trouve la Flotte des Sarazins, qui combattoit contre celle des Chrétiens ; il l’attaque, la bat, & met pied à terre au Port de Caiphas, où il joignit ses freres ; Ensuite il assiege la Ville, la force, la fait raser, & marche à Ptolemaïde, où il met le siege, bat deux fois le secours que Saladin y conduit, & l’avanture qui luy arrive avec le Gouverneur.

COmme le cœur de Geofroy n’étoit pas fait pour Palatine, il la quitta avec la mesme tranquillité qu’il l’avoit toûjours vûë, quoy qu’elle eût fait ce qu’elle avoit pû pour luy plaire. Dés qu’il fut en mer, il ne songea plus qu’à marcher où sa grande destinée l’appelloit. Il se persuadoit que l’armée des Sarazins étoit encore à Caïphas, attendant le convoy qu’il avoit battu, & il ne se trompoit point, mais il la trouva aux mains avec celle des Chrestiens, qui les étoient venus attaquer.

Aussi-tost ce Heros s’approcha ; & aprés avoir reconnu la disposition du combat, & distingué les Vaisseaux les uns des autres, il attaqua ceux des Infideles avec tant de fureur, qu’ils furent étonnez de ce nouveau renfort, & souffrirent beaucoup dans cette attaque, parce que Geofroy avoit mis à son avant garde leurs cinq Vaisseaux pour les surprendre : En effet, ils donnerent dans cette ressemblance, & se laisserent approcher facilement. Son Vaisseau aborda celuy du Roy Anthenor, & l’accrocha : Aussi-tost ce Prince sauta dedans ; & comme ses gens étoient frais, ils firent un terrible carnage des Infideles ; le Roy resista d’abord, & donna des marques de sa valeur : Mais se voyant contraint de ceder à la force & au nombre, il se jetta dans un Esquif, & se sauva dans le Vaisseau de l’Admiral ; le sien fut pillé dans le mesme moment, & plusieurs autres, dont les Poitevins s’emparerent, & les coulerent à fond.

D’un autre costé, le Roy d’Armenie pressant vigoureusement les Sarazins, s’empara aussi de plusieurs de leurs Navires ; de sorte qu’Anthenor & l’Admiral furent contraints de faire faire retraite dans le Port de Caïphas, à ce qui restoit de leur Flotte ; mais Geofroy les y poursuivit, & fut suivy de son frere, curieux de sçavoir quel étoit le guerrier qui l’avoit secouru, parce que ses bannieres étoient pareilles aux siennes, & que ses gens crioient de tems en tems Lusignan.

Cependant le Roy de Jerusalem qui s’étoit mis en mer pour joindre le Roy d’Armenie, son frere, devant Caïphas, y étoit arrivé ; & n’ayant trouvé dans le Port que quelques Bâtimens, il y avoit mis le feu, aprés avoir contraints ceux qui les gardoient, à se jetrer à terre ; tellement que le Roy Anthenor & l’Admiral, qui apperçûrent de loin l’incendie, ne sçavoient à quoy l’attribuer ; ils avancerent neanmoins aussi viste qu’ils purent vers le Port, mais le Roy de Jerusalem alla à leur rencontre, & les attaqua avec tant de valeur, qu’Anthenor & l’Amiral épouvantez d’avoir les ennemis & devant & derriere, se jetterent dans une chaloupe, & furent assez heureux pour se sauver dans la Ville. Je dis assez heureux, car de toute leur armée, il n’y eut qu’eux seuls qui éviterent de perir, ou par le fer, ou par les flammes.

Geofroy qui estoit venu dans l’esprit de conquerir, voulant profiter d’un si grand desordre, fit débarquer aussi-tost ses troupes pour se saisir du Port ; & il n’eut pas de peine à s’en emparer ; parce que les Sarazins s’étoient tous retirez dans Caïphas. Les Rois de Jerusalem & d’Armenie, considerans cette haute entreprise de prendre terre chez leurs ennemis, trouverent à propos de sçavoir qui estoient ces guerriers, avant que de suivre leur exemple. Ils envoyerent pour en estre informez ; & ayant appris que c’étoit Geofroy leur frere, ils donnerent le mesme ordre à leurs gens, & se jettans aussi-tost dans une chaloupe, allerent le trouver à terre, où il mettoit ses troupes en bataille à mesure qu’elles descendoient.

Je laisse à penser quelle fut la joye de ces trois freres dans cette entreveuë. Aprés s’estre bien embrassez, les premiers momens furent employez à s’établir, & à se saisir d’un pont par lequel on pouvoit venir de la Ville à eux ; ensuite Geofroy raconta à ses freres ce qui s’étoit passé dans leur maison depuis l’absence de leur mere ; de quelle maniere il estoit parti de France aprés avoir établi ses freres ; comme il avoit surpris & enlevé dans sa route le convoy des Sarazins. Il leur dit encore qu’il venoit de conquerir les trésors d’Elinas, & tuer un Geant qui les gardoit ; ajoûtant qu’il leur apportoit tous ces trésors pour leur aider à chasser les Infideles de la possession du saint Sepulcre. Ses freres luy firent aussi un recit succint de leurs tristes avantures, & ils prirent ensemble quelques mesures suivant la conjoncture où les affaires estoient pour lors.

D’un autre costé le Roy Anthenor & l’Amiral avoient mis une si grande alarme dans Caïphas par leur arrivée, sans estre suivis d’un seul de leurs gens, que plusieurs Officiers de l’armée de Saladin qui s’étoient enfermez dans la Ville, & mettoient toute leur esperance dans leur flotte, commencerent à desesperer de leur salut. Ils envoyerent demander du secours de toutes parts. Le Soudan vint à grandes journées de Damas où il estoit, & plusieurs autres Princes Mahometans, se mirent aussi en marche ; mais nostre nouveau Conquerant & ses freres, ne leur don nerent pas le temps d’arriver jusqu’à Caïphas : Ils firent dés le lendemain les approches de la Place, & l’emporterent d’assaut aprés trois jours de tranchée ouverte, passans au fil de l’épée tous les Turcs qu’ils pûrent attraper, & donnans le pillage aux troupes, ce qui les anima beaucoup pour la suite de la guerre.

Cependant un grand nombre des assiegez trouva le moyen d’échapper à la fureur du soldat, & de se sauver dans Ptolemaïde. Le Roy Anthenor & l’Amiral furent tuez pendant le siege. Le pillage dura deux jours ; & aprés que les Chrétiens eurent transporté tout leur butin dans leurs vaisseaux, Geofroy donna ordre qu’on mît le feu à la Ville, & qu’on la démolît. C’est la maxime des Conquerans d’en user ainsi, pour ne pas employer leurs troupes à garder des Villes pendant qu’ils en ont besoin en campagne.

Aprés cette heureuse expedition, les trois Princes de Lusignan tinrent conseil avec quelques autres Princes qui les avoient joints. Le Roy de Jerusalem comme le plus âgé prit la parole, & remontra qu’il paroissoit que Dieu vouloit exterminer à ce coup la Secte de Mahomet, que la flotte des Sarazins estoit brûlée, leur armée de terre affoiblie, leurs chefs épouvantez, leurs peuples fugitifs, leur pays exposé aux fureurs de la guerre. Enfin qu’il estoit d’avis qu’on poussast la victoire, puisqu’ils se voyoient maistres d’une assez grande quantité de toute sorte de munitions, pour faire subsister longtemps leur armée ; mais que pour assurer ces nobles desseins, il falloit envoyer en Chypre & en Armenie, lever autant de troupes qu’on pourroit, & apporter les rafraîchissemens qui seroient necessaires.

Cet avis fut generalement approuvé, & Geofroy fit present à ses freres d’un grand nombre de pierreries pour les envoyer aux Reines leurs Epouses. On choisit pour le voyage les meilleurs vaisseaux qu’on avoit conservez, & ausquels on joignit plusieurs bâtimens des deux nations. On en conserva neanmoins quelques-uns pour garder le port, & aller porter la nouvelle aux Princes Chrestiens d’Occident, que les affaires commençoient à prendre une meilleur face, mais que la Terre Sainte estoit reduite dans un affreux esclavage, afin que ces remontrances les portassent à leur donner du secours pour soûtenir les progrés qu’ils faisoient sur les Infideles. Heraclie, Patriarche de Jerusalem, s’offrit pour aller le solliciter auprés du Pape ; & c’étoit Innocent III. qui remplissoit pour lors la Chaire de S. Pierre.

Le Patriarche partit, & fit un voyage heureux. Le Pape fut touché du recit qu’il luy fit du miserable état où les Chrestiens de la Terre Sainte se trouvoient reduits par l’opression & la barbarie des ennemis de la Foy, il écrivit des lettres circulaires fort touchantes à tous les Princes Chrestiens, pour les exhorter à recouvrer la ville de Jerusalem, & soûtenir le reste de ce Royaume, qui estoit prest d’estre envahi par les Mahometans.

Heraclie rempli d’un zele divin, se transporta au plûtôt chez les Princes, les plus considerables. Il presenta à Philippe Auguste Roy de France, de la part de Guy de Lusignan, les clefs du saint Sepulcre ; ce Monarque estoit en guerre pour lors avec Henry Roy d’Angleterre, le Patriarche leur fit faire la paix par ses larmes ; & tous les Princes Chrestiens estant bien disposez, on assembla un Concile à Paris, où se croiserent l’Empereur Frederic, surnommé Barbe-rousse, son fils Henry Roy des Romains, le Roy de France, Richard Roy d’Angleterre, qui avoit succedé à son pere Henry qui venoit de mourir, Guillaume Roy de Sicile, Oton Duc de Bourgogne, les Republiques de Venise, de Genes, de Pise, les Danois, les Brabançons, les Flamans, tous les Princes Souverains du Nort, & plusieurs Princes particuliers, Archevêques, Evêques, & Seigneurs de grande consideration. Chacun fit paroistre sa pieté, en fournissant avec ardeur aux frais de cette guerre, & chaque Prince y conduisit ses troupes.

Pendant que les Chrestiens faisoient de puissantes levées, Saladin qui en estoit informé, assembla aussi une nombreuse armée de Perses, de Medes, de Circassiens, d’Assyriens, d’Egyptiens, de Lybiens : Mais Geofroy & ses freres mirent le siege devant Ptolemaïde, avant que ces Barbares pussent se joindre. Dans ce mesme temps plusieurs vaisseaux du pays de Frise, de Hollande, de Danemarc, & un certain fameux Corsaire d’italie nommé Margarit, couroient les costes de la Mediterranée depuis le détroit de Gibraltar jusqu’à la Terre Sainte, & rançonnoient toutes les Villes maritimes qui appartenoient aux Turcs.

Ainsi les affaires commençoient à reprendre une face agreable, & plus heureuse. Le Prince Jacques d’Auvergne, qui cõmandoit les troupes du Duc de Brabant, ayant ramassé environ sept mille hommes de toutes nations, vint trouver Geofroy devant Ptolemaïde. Ce renfort fit avancer le siege ; & les Princes de Lusignan, qui avoient pris chacun leur quartier autour de la Ville, montroient toute la valeur possible ; mais les assiegez se défendoient vigoureusement, car la garnison estoit tresgrosse, la place bien munie, & commandée par un homme d’une grande reputation.

Cependant Saladin ayant ramassé le plus de troupes qu’il avoit pû auprés de * Samarie, dont il fit sa place d’armes, marcha au secours de Ptolemaïde, & esperoit faire lever le siege à son arrivée ; mais Geofroy alla au devant de luy, & laissa ses freres à la garde du Camp pour continuer les attaques. Il envoya d’abord de la cavalerie se saisir decertains défilez qu’il avoit esté reconnoître luy-même, & que les Infideles devoient traverser avant que de venir à luy ; ensuite se campant derriere ces défilez, il les fit passer à toute son avant-garde, avec ordre d’y attendre les ennemis.

Saladin vint observer les Chrestiens, il les trouva en bonne contenance, cependant il les fit charger ; mais ceux-cy qui avoient ordre de lascher pied aprés avoir soûtenu le premier choc, pour attirer les ennemis dans l’embuscade, receurent vaillamment les Infideles, & même se trouvans superieurs, ils les repousserent assez loin. Saladin vit cet avantage avec dépit. Il vint en fureur animer ses gens, suivi d’une plus grosse troupe, les Chrétiens les voyans avancer avec des heurlemens affreux, firent semblant de s’en épouvanter, & repasserent les défilez avec précipitation. Les Turcs ne manquerent pas à les suivre en confusion, mais ils trouverent au delà des gens qui les attendoient avec une valeur preparée ; leur fureur estoit neanmoins si grande, que le peril ne les faisoit point retourner sur leurs pas : au contraire, plus les Chrestiens en assommoient, & plus ils en voyoient paroistre. Saladin estoit derriere, qui vouloit absolument forcer le passage. Ce combat dura long-temps dans cette opiniâtreté. Enfin les Mahometans rebutez de se faire tuer inutilement, abandonnerent leur entreprise, & se retirerent à la faveur de la nuit.

Geofroy apprit le lendemain par ses coureurs, que les ennemis luy avoient cedé non seulement le terrain, mais s’étoient entierement retirez. Le poste qu’il venoit de défendre luy parut d’une si grande importance pour asseurer son camp, qu’il y laissa une garde tresforte, & s’en revint continuer le siege avec l’applaudissement qu’on pouvoit donner à la victoire qu’il venoit de remporter.

Guy de son costé, qui avoit voulu se signaler pendant l’absence de son frere, avoit attaqué un ouvrage avancé de la place, & l’avoit emporté malgré tout le secours que le Gouverneur y avoit donné, & la valeur que les assiegez avoient fait paroistre. Geofroy à son retour leur fit sçavoir de quelle maniere il avoit battu le secours qui leur venoit, & que n’en ayant plus à esperer, ils devoient songer à se rendre.

Le Gouverneur répondit en Capitaine experimenté, qui estoit en possession d’une place remplie de toute sorte de munitions, & défenduë par une nombreuse garnison. Il estoit informé de l’action qui s’étoit passée, & même il en avoit eu un détail exact par une voye surnaturelle, dont nous parlerons dans la suite.

D’un autre costé Saladin au desespoir d’avoir esté battu, & de voir un si grand nombre des siens exposez à estre pris d’assaut dans une place qui ne se soûtenoit que par la quantité de troupes qui la défendoient, se resolut à faire encore une nouvelle tentative pour leur donner secours ; & afin d’y réüssir avec plus de seureté, il usa d’un stratagême, qui fut de partager son armée en deux corps. Il donna ordre à l’un d’aller forcer les Chrestiens qui gardoient les défilez ; & se mettant à la teste de l’autre, il prit sa route pour attaquer le camp par un autre costé.

Mais Geofroy, qui envoyoit sans cesse des partis à la guerre pour sçavoir des nouvelles des ennemis, fit des prisonniers qui luy apprirent la marche de Saladin, & son secret. Aussi-tost il fit partir le Prince d’Auvergne avec des troupes pour soûtenir les défilez, & laissant encore ses freres à la conduite du siege, il se mit en campagne avec une armée capable de disputer le passage aux Turcs. Il trouva qu’ils estoient déja avancez jusqu’à deux lieuës de la Ville ; & il leur livra bataille sans leur donner le temps de se reconnoistre.

Saladin qui ne l’attendoit pas, fut extrêmement surpris. Son avant-garde qui marchoit avec assez de confusion, se vit d’abord renversée, & s’enfuyant à toutes jambes, jetta la terreur dans le corps de bataille. Geofroy qui la suivoit de prés, profita du desordre : il entra le sabre à la main, à la teste de sa cavalerie, au milieu des Infideles, & en fit un horrible carnage. Le Soudan fit tous ses efforts pour ranimer ses gens, & les obliger à faire teste aux Chtestiens, mais l’épouvante estoit trop grande pour les porter à prendre ce party. Ce General les pressa inutilement. Toute l’armée prit la fuite, & Saladin se vit entraîné par les siens. Toutefois quelque temps aprés s’appercevant qu’il n’étoit plus poursuivi, il rallia les fuyards, & revint à la charge sur les Chrestiens, qu’il trouva occupez à piller les bagages, il tua les premiers qui se trouverent exposez à ses coups, & contraignit le reste à suivre l’exemple qu’il leur avoit montré un peu auparavant.

Geofroy qui n’étoit pas accoûtumé à tourner le dos à l’ennemy, poussa son cheval pour joindre ceux qui avoient lasché pied, leur fit faire volte face, se mit à leur teste, & retourna fierement contre Saladin. Il l’attaqua d’abord avec peu de troupes, mais cette teste ayant fait ferme, tout le reste se rallia bien-tost derriere, & chargea les Turcs avec tant de fureur, qu’aprés un combat fort opiniâtré, ils furent contraints de ceder le champ de bataille aux Chrestiens, & de se sauver comme ils avoient déja fait à la faveur de la nuit.

D’un autre costé le Prince d’Auvergne, par un malheur trop long à raconter, avoit esté forcé dans les défilez, & les victorieux qui se trouvoient en assez gtand nombre, voulans profiter de l’épouvante, où ils voyoient les Chrestiens, qu’ils avoient suivis l’épée aux reins jusques dans leur camp, attaquoient déja les lignes du costé où les fuyards s’étoient retirez, lorsque Geofroy apprit cette triste nouvelle, & songea à les secourir. Dans ce dessein il marcha avec ses troupes triomphantes, & envoya en même temps avertir ses freres de sortir des lignes, afin de mettre les ennemis en état de ne pas échaper : ce qui réüssit, car les Turcs se voyans attaquez en teste & en queuë, & apprenant que Saladin, qu’ils esperoient joindre devant la place, avoit esté battu, jetterent les armes bas, & demanderent quartier. On en tua un grand nombre dans la premiere chaleur ; & le reste, qui montoit environ à huit mille hommes, se rendit aux vainqueurs. Ce dernier coup détruisit les esperances de Saladin, il ne songea plus à Ptolemaïde, & son unique espoir fut dans le secours qu’il envoya chercher de toutes parts.

Geofroy ne fut pas plûtôt délivré de ce redouatble ennemy, qu’il poursuivit le siege avec toute l’application possible : cependant les assiegez faisoient de vigoureuses sorties ; & se défendoient d’une maniere, qui surprenoit souvent les assiegeans, mais il ne faut pas s’en étonner. Le Gouverneur de la place estoit un homme en grande estime, & fort entendu non seulement dans l’art militaire, mais aussi dans les sciences occultes. Il se nommoit Zoés ; c’est le même que l’Histoire rapporte avoir publié le premier cet écrit fameux parmy les Cabalistes, qu’ils nomment la Clavicule de Salomon.

Zoés connoissoit tres-bien par sa science que Saladin n’étoit plus en état de secourir Ptolemaïde, & qu’il devoit la rendre aux Chrestiens, mais son honneur vouloit qu’il ne la rendît qu’à l’extrémité, & dans les regles de la guerre. Geofroy qui se trouvoit à toutes les actions considerables du siege, avoit remarqué en deux occasions, que les ennemis luy avoient échappé, sans pouvoir comprendre comment ils avoient pû le faire, parce que tout à coup il les avoit vû comme disparoître, & se soustraire à ses coups.

Ces prestiges le rendoient fort attentif à tous leurs mouvemens. Un jour qu’ils firent une sortie nombreuse & tres-à propos sur le quartier où commandoit le Roy d’Armenie, Geofroy y accourut, attiré par une allarme generale qui se répandit dans le camp, il avoit pris avec luy l’élite de sa cavalerie, il trouva les Sarazins fort acharnez, & qui combattoient avec avantage, la veuë du secours leur fit prendre neanmoins le parti de la retraite, & ils emmenoient un nombre de prisonniers qu’ils avoient faits, lorsque Geofroy les attaqua, leur enleva leur proye, & les mena battant jusques auprés des barrieres, d’où il luy parut sortir un nouveau corps de troupes qui venoit secourir celles qui fuyoient. Ce secours arresta son ardeur, il retint les siens pour ne pas s’engager inconsiderément. Mais pendant qu’il suspendoit leur valeur, il s’apperçeut qu’insensiblement ces dernieres troupes se couvroient d’une foible obscurité qui les déroboit à sa vûë.

Geofroy voyant que l’ennemy se servoit de ce stratagême surnaturel pour éviter sa perte, crut qu’il luy estoit permis aussi d’en mettre un autre en pratique pour découvrir l’origine de celuycy, & sçavoir qui en estoit l’auteur. Il donne ordre à ses troupes de se retirer, & reste seul sur le champ de bataille. Il se jette à bas de son cheval, l’attache à un arbre, tire de son doigt l’anneau que Palatine luy avoit donné à son départ, le met dans sa bouche, & marche vers la barriere ; la vertu de l’anneau le rendant invisible, il passe & trouve à la porte de la Ville Zoés, qui s’applaudissoit de l’heureux retour de ses troupes. Il le suit dans son Palais, & jusques dans une chambre retirée, où il fit entrer un homme venerable à qui il tint ce discours.

« Mon cher Carathuse, par nostre derniere operation, tu as vû de quelle maniere l’oracle nous a parlé de l’ascendant que les Chrestiens ont sur nous, & que même je seray forcé à leur rendre la place. Tu as vû encore de tes propres yeux, la derniere défaite de Saladin, qui le met hors d’état de nous donner du secours. Nous avons donc besoin de toute nostre science pour soûtenir nostre gloire. Il faut y travailler sans relâche, & employer pour cet effet le pouvoir de nos amis aëriens. Je suis d’avis que tu aille dans le camp des ennemis, & que tu enchante le Chevalier qui a battu Saladin, afin que nous puissions nous en saisir dans le premier combat, quoy-que tu luy aye vû faire des faits d’armes surprenans, il ne nous échapera pas, si tu jette sur luy un charme superieur à son Genie; prens les vêtemens que voilà pour paroistre de sa nation, tu pourrois bien t’en aller par les airs, mais il faudroit trop de temps pour en faire la preparation ; le jour finit, je te feray sortir par la porte où je viens de faire rentrer les troupes. »

Carathuse approuva ce conseil ; Il s’habilla aussi-tost, ensuite il tira d’un coffre un certain bâton rempli de figures hyerogliphiques ; & lorsqu’il fut prest, ils prirent le chemin de la porte de la Ville. Geofroy les suivit pas à pas, & sortit des barrieres avec Carathuse ; mais il s’écarta un peu de luy pour aller reprendre son cheval, qu’il retrouva au lieu où il l’avoit laissé ; ensuite remettant l’anneau à son doigt, il alla rejoindre son homme qui croyoit marcher en seureté dans l’ombre de la nuit.

Carathuse fut surpris d’entendre qu’un Cavalier venoit à luy, parce qu’il ne s’étoit pas encore précautionné : cependant comme il estoit homme à ne pas s’épouvanter, il attendit de pied ferme celuy qui le suivoit, & luydemanda d’assez loin, à la maniere de ce temps-là, de quel party il estoit, Geofroy dit Lusignan, qui estoit le cry ordinaire des Chrestiens, à cause qu’ils estoient sur les terres de ces Princes, & combattoient sous leurs enseignes.

Leurs premiers discours furent des nouvelles de la derniere sortie des assiegez. Carathuse dit qu’ayant receu un coup à la teste, il estoit resté évanoüy jusqu’alors, & qu’il s’en retournoit tout doucement à son quartier, heureux d’en estre quitte pour une simple contusion. Geofroy le plaignit, ensuite ils s’entretinrent, en chemin faisant à la maniere des soldats, de plusieurs occasions où ils s’étoient trouvez pendant le siege. Cependant Carathuse admiroit la netteté d’esprit avec laquelle le Cavalier luy décrivoit les combats où il s’étoit rencontré, entr’autres ceux où le Soudan venoit d’être battu, cela luy faisoit soupçonner que c’étoit un homme de consideration. Pendant qu’ils discouroient de la sorte, ils entendirent venir au grand trot dans le chemin qu’ils tenoient de la cavalerie, Geofroy qui ne vouloit point quitter son homme, laissa arriver la troupe, & deux cavaliers estant venus au qui-vive, il leur donna ordre de faire avancer le Commandant. Cet Officier dit à Geofroy en l’abordant ; Seigneur, tout le camp est en allarme, depuis le temps qu’on vous a perdu de vûë dans la retraite des ennemis. Alors Geofroy se tournant du costé de Carathuse, luy dit de ne rien craindre, parce qu’il connoissoit son merite, ensuite il luy fit donner un cheval, & ils arriverent en peu de temps aux pavillons de Geofroy, d’où ce Prince envoya dire à ses freres de n’estre plus en peine de sa personne, & que le lendemain il leur rendroit raison de son absence.

Geofroy qui n’avoit pas quitté de vûë Carathuse, ne fut pas plûtôt seul avec luy, qu’il l’embrassa & l’assura qu’il avoit une estime toute particuliere pour luy. Cet homme qui avoit déja esté fort surpris du discours que Geofroy luy avoit tenu en luy faisant donner un cheval, ne fut pas moins étonné des caresses dont ce Prince l’honoroit, cependant il ne répondoit rien à ses honnestetez. Ce qui obligea Geofroy à ajoûter qu’il estoit informé du dessein qui le conduisoit auprés de luy ; qu’il sçavoit les conventions que le Gouverneur de Ptolemaïde & luyavoient faites un moment avant son départ de la Ville ; qu’il cachoit sous sa robe un bâton doüé d’une grande puissance ; mais que malgré tous les projets qu’il avoit formez, il vouloit estre de ses amis, & profiter de sa science.

Carathuse fut épouvanté à ce discours. Il ne pouvoit comprendre de quelle maniere ce Prince avoit pû sçavoir si-tost une chose qui ne venoit que d’arriver. Il jugea qu’elle ne pouvoit luy avoir esté revelée que par quelque esprit familier, ce qui luy fit croire qu’il en avoit un attaché à sa personne, ainsi que plusieurs grands hommes en ont eu. Dans cette pensée il crut qu’il n’y avoit rien à déguiser à ce Heros dont il sçavoit les grandes actions, & mesme la victoire qu’il avoit remportée sur le Geant, parce que la nouvelle du charme qu’il avoit rompu en versant le sang de ce monstre, & les trésors infinis qu’il avoit enlevez, s’étoit répanduë parmy les Sages.

Il avoüa donc à Geofroy que se trouvant dans le party opposé au sien, il avoit écouté les propositions du Gouverneur ; & qu’étant lié d’inclination & de science avec luy, parce que c’étoit le plus fameux Cabaliste du temps, il s’étoit engagé à executer ses volontez, mais qu’il se voyoit délié de la promesse qu’il luy avoit faite par la découverte de leurs desseins, & que bien loin d’estre capable à present de faire aucun mal à un si grand Prince, il se sentoit entierement dévoüé à son service.

Geofroy qui cherchoit depuis longtemps à lier commerce avec ces sortes de Sages, accepta l’amitié de Carathuse : cependant n’étant pas de la prudence de s’y livrer d’abord tout entier, il le pria de luy confier le bâton mysterieux qu’il avoit apporté sous pretexte de le luy garder ; mais c’étoit pour luy servir de gage de sa fidelité, sçachant bien que la moité de sa puissance consistoit dans la vertu de ce bâton constellé. Carathuse qui agissoit de bonne foy, & connoissoit la grandeur d’ame de ce Prince, le remit entre ses mains sans hesiter. Ensuite ils s’entretinrent des affaires qui se passoient. Le Sage parla avec liberté sur plusieurs choses, particulierement au sujet du siege, & découvrit au Prince que la Place ne se rendroit qu’aprés l’arrivée de l’armée navalle des Chrétiens qui étoit déja abordée en Sicile. Cette nouvelle surprit Geofroy, & il pria Carathuse de luy dire de quelle maniere il l’avoit apprise.

Ce sont nos amis Aëriens, réponditil, qui nous informent de tout ce que nous voulons sçavoir. Nous sommes continuellement en commerce avec eux ; nous les gardons mesme auprés de nous quand nous en avons besoin : ils nous aiment tout autrement que les hommes ; leur amour est pur, sans interest, & ils sont sans cesse attentifs à nous preserver des malheurs qui peuvent nous arriver. Mais Seigneur, poursuivit-il, il est assez inutile que je vous fasse ce recit, puisque vous avez avez un pareil Genie qui prend soin de vôtre personne, car autrement comment auriez-vous pû sçavoir tout ce que vous m’avez dit ?

Geofroy voyant que Carathuse luy parloit ingenument, luy déclara de même de quelle maniere il avoit esté informé de ses desseins. Alors ce Sage pria le Prince de luy faire voir la bague, il la tira de son doigt, & sans faire reflexion au danger où il s’exposoit de la perdre, il la donna à Carathuse, qui considera la pierre fort attentivement, & la mettant tout à coup à sa bouche, disparut.

Je laisse à penser dans quelle surprise fut Geofroy de ne plus voir ni sa bague, ni Carathuse. Il accusoit sa malheureuse facilité, & il commençoit à faire de terribles imprécations contre le ravisseur, lorsqu’il reparut à ses yeux, & luy rendit ce precieux talisman ; l’avertissant de ne le jamais confier à personne, & pour cet effet de le tenir toûjours à son doigt.

Ce Prince fut ravi de revoir sa bague ; il admira la bonne foy de Carathuse, & luy donna toute son estime. Il consideroit dans cette action, la vertu des veritables Sages ; il en fit l’éloge, l’éleva autant qu’il put par ses discours, & pria Carathuse de luy enseigner le moyen de pouvoir estre admis dans leur societé.

Tous ceux qui ont de l’élevation d’esprit aspirent à ce bonheur, dit ce Sage, mais tres-peu sont reçûs à le partager. Il faut estre caracterisé non seulement par la nature pour y parvenir, mais on doit encore avoir de certaines vertus acquises sans la possession desquelles il n’est pas permis d’y pretendre.

Les caracteres de la nature sont les aspects benins, & les influences avantageuses sous lesquelles la personne est née. Quant aux vertus qu’il est necessaire de posseder, elles sont toutes éminentes, & ont leur principe dans la crainte que nous devons avoir de l’Estre des Estres. Initium sapientiæ timor Domini. C’est Dieu seul que nous reconnoissons dans toutes nos operations ; c’est par la force de son nom tout puissant, que nous n’apprehendons aucunement, & que même nous mettons en fuite ces creatures invisibles, dont l’orgueil fut puny avant la creation du monde ; & c’est par la pureté de l’ame, & du corps, que nous nous attirons l’amour des intelligences qui habitent les élemens, & daignent venir en commerce avec nos Sages ; se communiquans souvent à leurs yeux, & se montrans toûjours prestes à leur rendre service, & à les proteger contre tous les malheurs, comme je vous ay dit.

Si cela est ainsi, répondit Geofroy, vous avez raison de dire qu’il n’est pas permis à tout le monde d’arriver à ce bonheur, car je voy beaucoup de difficulté à estre des vostres.

Ce n’est pas tout, continua Carathuse, il faut encore posseder les sciences occultes, c’est-à-dire que Dieu a enseigné à nos Sages, & a caché au profane vulgaire ; ce sont ces vrais Philosophes qui en donnent des leçons à ceux qu’ils trouvent dignes de les recevoir ; & ce n’est que dans les deserts de Babylone, & de l’Arabie heureuse où on les trouve. Ils se sont retirez dans ces climats reculez, depuis qu’ils ont vû tant de corruption entre les hommes : Il en sort neanmoins quelques-uns de temps en temps qui viennent parmy eux pour les soulager dans leurs peines, ou pour les punir de leurs crimes. Geofroy voyant par le discours de ce Sage une maniere d’impossibilité de parvenir à estre de sa societé, songea du moins à devenir de ses amis ; & il avoit une grande raison pour cela, qui estoit la peur d’estre enchanté ; parce qu’il n’avoit point de préservatif contre ce malheur. Les plus grands Heros s’y trouvoient exposez en ces temps-là ; & les Histoires sont pleines des travaux qu’ils se voyoient contraints de supporter quand ils estoient assez malheureux pour déplaire à quelque *Junon. Geofroy par cette raison fit donc si bien, qu’il devint entierement des amis de Carathuse, & qu’il se servit tres-utilement de luy, comme nous le verrons dans la suite.

Le lendemain matin ce Prince entretint ses freres de toute autre chose que de l’avanture qui luy estoit arrivée. Il leur dit seulement qu’il avoit eu nouvelle que la flotte de la Croisade estoit abordée en Sicile ; aussi-tost le bruit s’en répandit dans le camp ; & ceux qui s’ennuyoient de la longueur du siege, se persuaderent qu’un si puissant secours enleveroit la place, & qu’on passeroit à d’autres conquestes.

Sur les dix heures Geofroy estant rentré dans son Pavillon, Carathuse luy representa qu’il estoit necessaire qu’il retournât dans la Ville pour informer le Gouverneur de ce qui luy estoit arrivé, afin qu’il ne fît pas quelque entreprise inconsiderée. Le Prince y consentit, ne voulant pas profiter du desordre où le pouvoit jetter l’inexecution de son projet. C’est ainsi que les Heros veulent devoir à leur seule valeur tout l’éclat de leur gloire.

Carathuse reprit aussi son bâton mysterieux, mais il laissa son cœur à Geofroy, penetré de ses grandes qualitez, & de l’amitié qu’il luy témoignoit. Il promit à ce Prince de faire son possible pour obliger le Gouverneur à faire une tréve avec les Chrétiens, en attendant les ordres que Saladin pourroit luy envoyer pour la reddition de la place, en cas qu’il luy fût impossible d’y faire passer du secours.

Zoés mettoit en bataille deux gros détachemens, qui estoient l’élite de sa garnison, lorsqu’on vint luy dire que Carathuse, escorté de six cavaliers ennemis, estoit à la porte de la Ville. Cette nouvelle le surprit beaucoup : Il alla luy-même le recevoir, & ayant conduit cet amy à son Palais, il fut étonné d’entendre non seulement ce qui luy étoit arrivé, mais les propositions qu’il luy faisoit de demander une tréve aux Chrestiens dans l’état où estoit sa place. Il prit ce conseil pour un effet de la peur qu’il avoit euë dans son avanture, & pour faire voir à Carathuse, & aux assiegeans, qu’il estoit resolu de faire son devoir, il fit sortir ses troupes par deux portes differentes, & elles tomberent à l’impourveu sur les assiegeans avec tant de vigueur, qu’elles firent main-basse sur les premiers qu’elles rencontrerent ; mais l’allarme s’étant répanduë, Geofroy d’un costé, & ses freres de l’autre, arresterent bien-tost le cours de leur victoire. Ces Princes n’avoient d’abord que peu de troupes, mais ensuite la plus grande partie de la cavalerie estant accouruë, culbuta l’infanterie des assiegez, qui ne se trouva pas soûtenuë à propos, & la passa au fil de l’épée : de sorte qu’il en retourna tres-peu dans la Ville, & l’on remarqua que cet avantage fut presque égal dans les deux attaques.

Le Gouverneur parut fort mortifié de cette défaite. Il eut bien pû parer ce malheur, s’il avoit eu le secours de Carathuse ; mais les discours qu’il luy avoit tenus avant la sortie des troupes, l’avoit si fort chagriné, qu’il avoit negligé toutes les précautions. Il se retira fort triste dans son Palais ; & s’enfermant seul avec cet amy ; il luy fit part de sa douleur ; mais elle estoit soûtenuë de cette vertu qui est inseparable du courage des grands hommes.

Aprés que Zoés eut confié ses peines à Carathuse, il voulut l’engager à le servir de nouveau contre leurs ennemis ; mais ce Sage, qui ne vouloit rien faire qui pût porter préjudice à Geofroy, remontra à Zoés que l’ascendant des Chrestiens ayant repris le dessus depuis quelque temps, tout ce qu’ils pouvoient faire ensemble par leurs operations, ne serviroit qu’à diminuer leurs malheurs, & non pas à les empêcher : qu’ainsi il falloit épargner le sang qu’on pouvoit répandre par obstination, & dont la quantité seroit toûjours plus considerable de leur costé, que de celuy des Chrestiens.

Zoés écouta ce conseil, & l’appuya même de reflexions. Carathuse le voyant dans l’esprit qu’il souhaitoit, prit ce temps-là pour luy parler avantageusement des qualitez heroïques de Geofroy, & il se hazarda à luy proposer encore de faire tréve avec luy jusqu’à l’arrivée de l’armée navalle, puisque la fatalité vouloit qu’il rendît la Ville alors, ajoûtant que pendant cet intervalle il sauveroit sa reputation qui souffroit par les frequens avantages que remportoient les assiegeans malgré toute la valeur qu’il faisoit paroistre.

Carathuse representa ces raisons avec tant d’énergie, que le Gouverneur consentit à la tréve, & le chargea d’aller en faire la proposition. Geofroy fut ravi de revoir ce Sage ; il assembla ses freres, & les principaux Officiers de l’armée. La tréve fut acceptée, mais elle ne dura pas long-temps, parce que Saladin en ayant eu avis par Zoés, luy donna ordre de la rompre, & de faire de nouvelles sorties. Il revint même exprés de Damas à Samarie, pour tâcher de harceler le camp des Chrétiens par de forts partis qu’il envoya du costé des lignes ; & de tous ces mouvemens il ne tira d’autre avantage que celuy d’avoir fatigué les assiegeans par de frequentes allarmes.

* Cette Ville estoit encore en ce temps-là une forte Place, mais la politique des Mahometans estant de ruiner toutes leurs conquestes,celle ci n’est plus aujourd’huy qu’un Village.

* Les travaux d’Hercule, d’Enée, & des autres anciens Heros, n’étoient-ils pas des enchantemens ?