27 novembre 1872

Guernesey, 27 nov[embre] [18]72, mercredi soir, 5 h. ¼

Cher bien-aimé, heureusement que pour toi l’heure de mon gribouillis importe peu puisque tu ne le lis que le lendemain, mais pour moi c’est autre chose et je suis toute désorientée chaque fois qu’il m’arrive de ne pas commencer ma journée par ma chère petite restitus. Voici deux jours de suite que j’ai cet agacement et cet embêtement. Heureusement, je le répète, il n’y a que moi qui en souffre^a. Demain, toute chose cessante, je commencerai par mon cher petit gribouillis qui me fera d’autant plus de joie que je t’aurai vu, je l’espère. Je suis bien contente que tu aies enfin fait une bonne nuit mais il ne faut pas en rester là et continuer d’autor et d’achar [1] comme nous disions autrefois, le pionçage à fond de train. Dites-donc, môsieu, je t’aime. Si ce n’était pas trop abuser du droit que vous me donnez de vous le dire je vous l’écrirais, je vous le répéterais depuis le matin jusqu’au soir et du soir jusqu’au matin, au risque de produire sur vous l’effet de la chanson : « il était un petit navire etc. » pourquoi pas ? C’est peut-être à cette complainte d’amour que mon cœur chante sans s’arrêter jamais que tu dois la bonne nuit que tu viens d’avoir. C’est à cette intention que je vais la recommencer : je t’aime, je t’adore, je t’aime, je t’adore, je t’aime, je t’adore.

BnF, Mss, NAF 16393, f. 327
Transcription de Bulle Prévost assistée de Florence Naugrette

a) « souffres ».