31 octobre 1872

Guernesey, 31 oct[obre] [18]72, jeudi matin, 7 h. ¾

Cher bien-aimé, tu as dû sentir le battement d’ailes de mon âme au-dessus de toi tout à l’heure pendant que tu lisais mes deux gribouillis sous la pluie. Quelle que^a fut la joie que me causait ta douce vue j’aurais voulu pouvoir t’emporter dans mes deux bras auprès d’un bon feu pour te sécher car tu devais être transpercé jusqu’aux os. Cette imprudence que tu renouvelles tous les matins est à la fois ma joie et mon souci [1] car je crains qu’elle ne finisse par te jouer un mauvais tour. Aussi, mon adoré bien-aimé, je te supplie de suspendre tes chères apparitions tout le temps que ce temps insensé et inhumain durera. C’est bien assez de faire passer nos pauvres cœurs par les dures épreuves d’hier sans y ajouter encore l’inquiétude de ta santé. Je t’en prie, je t’en supplie, ne va pas sur ton toit pendant la pluie. Grâce à ta sublime et divine bonté, le chagrin d’hier s’est transformé en bonheur pour moi et en bienfaits pour tous ces excellents Lanvin qui vont être bien fiers et bien heureux en apprenant ce que tu veux faire pour eux. Je laisse à Blanche la joie de le leur dire la première aujourd’hui me réservant celle de la leur confirmer demain quand tu m’auras donné la lettre d’introduction qui autorisera la mère Lanvin à aller voir tes enfants [2] de ta part au moins une fois par semaine. Sois béni, mon adoré, autant que tu es grand, que tu es bon et autant que tu es aimé par moi.

BnF, Mss, NAF 16393, f. 301
Transcription de Bulle Prévost assistée de Florence Naugrette

a) « quelque ».