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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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Guernesey, 28 novembre, [18]65, mardi matin, 7 h. ¾

Bonjour de VISU, cette fois ci rebonjour de cœur et d’âme, mon doux adoré. Tu ne peux pas te figurer combien ce petit échoa de nos deux regards à travers l’espace a remué en moi de tendres souvenirs. C’était comme la vision de notre premier amour quand je te suivais des yeux de loin sur la route des Roches jusqu’à ce que tu aies disparu à l’horizon [1]. Je ne te demande pas comment tu as passé la nuit, j’espère que tu as bien dormi. Je trouve si doux de le croire que je n’en fais pas de doute ce matin pour ne pas gâter mon impression de bonheur. Et pourtant, voilà que j’y pense, ton sommeil a pu être troublé par le voisinage de ta nouvelle servante et aussi par la déception de Sénat en ne trouvant pas sa camarade de lit Virginie à son poste [2]. Je crains que tous ces changements de personnes n’aient troublé ton sommeil et que tu ne sois un peu fatigué ce matin. J’ai hâte que la matinée soit passée pour savoir à quoi m’en tenir là dessus. En attendant je fais force de voile et d’amour pour que tout se soit passé à souhait cette nuit. Mme Chenay doit être déjà partie pour la messe de mariage de la jeune Virginie. C’est une bonne et touchante marque d’intérêt et d’estime qu’elle donne à cette pauvre orpheline à laquelle je m’unis d’intention et de cœur. Je souhaite à cette pauvre enfant tout le bonheur auquel elle a droit de par l’amour. Quant à toi, mon cher adoré, sois béni à jamais dans ton œuvre, dans ta gloire, dans tous ceux qui te sont chers. Je t’adore.

BnF, Mss, NAF 16386, f. 190
Transcription de Anne-Estelle Baco assistée de Florence Naugrette

a) « échoe ».

Notes

[1Souvenir des années 1834 et 1835 : Juliette avait suivi Victor Hugo lors de ses vacances aux Roches, la propriété de la famille Bertin. Ne pouvant se joindre aux réjouissances de la maison, elle logeait non loin au hameau des Metz et elle effectuait de longues promenades avec Hugo dans les bois environnants quand il n’était pas avec ses amis. Elle portera toute sa vie un regard nostalgique sur ces moments, cristallisation d’une romance encore insouciante.

[2La domestique de Victor Hugo, Virginie Henry, a quitté le service de la maison la veille et se marie ce matin même avec Edouard Macé, ouvrier charpentier. La nouvelle servante, Elisa Goupillot, a pris ses quartiers la veille au soir dans la chambre entre celle de son maître et de Mme Chenay.

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