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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

Accueil > Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo > 1835 – Lettres datées > Octobre > 20

20 octobre [1835], mardi matin, 9 h.

Bonjour, mon bien-aimé, bonjour, mon Toto. Il fait bien noir et bien froid ce matin. Pour peu que tu aies travaillé avant dans la nuit, tu auras dû souffrir beaucoup du froid. C’est à quoi j’ai pensé chaque fois que je me suis réveillée et je tâchais de te réchauffer avec mon amour.
Je ne pense pas que ce soit un temps bien propice pour rentrer du bois que celui qu’il fait aujourd’hui, mais en cela comme en tout, je suivrai ton avis et ta commoditéa.
J’espère que cette pauvre dame Martine [1] va déjà mieux et que tu n’as plus aucune crainte à son sujet.
Moi, je voudrais te voir. J’ai besoin de te voir comme j’ai besoin de respirer, encore plus car je ne me sens vivre qu’auprès de toi. Quel bonheur si mon corps ne se séparait pas plus de toi que ma pensée. Je serais toujours avec toi, ce serait le paradis ! Mais, mais…
J’en suis réduite le plus souvent à te regretter et à te désirer.
C’est égal, je ne me plains pas. Je suis heureuse de tous les petits moments que tu me donnes et je ne les escompterais pour les plus grandes richesses de la terre. Je suis heureuse car je t’aime et tu m’aimes.

BnF, Mss, NAF 16325, f. 23-24
Transcription de Jeanne Stranart assistée de Florence Naugrette

a) « commoditée ».


20 octobre [1835], mardi soir, 8 h. ½

Comme vous êtes gentil, mon cher petit Toto, d’être venu faire vos gribouillis auprès de moi. Je vous en ai su bien bon gré. Je vous aime mon Toto ou plutôta je t’adore mon Victor. Je suis heureuse de t’apercevoirb, de te sentir auprès de moi. Je ne suis jamais triste que de ton absence. Je ne suis jamais heureuse que de ta présence. Le reste de la vie m’importe peu et c’est tout au plus si je m’aperçoisc de la vie qui n’est pas toi.
Il y a aujourd’hui huit jours que nous nous sommes bien tourmentés l’un et l’autre pour des bêtises. Il y a aujourd’hui huit jours à la même heure que nous nous sommes jetés dans les bras l’un de l’autre avec des transports d’amour dignesd du ciel.
Je vois avec joie s’avancer la fin de ton volume de poésie [2] parce que j’espère qu’alors tu te reposeras et tu reprendras racine un petit moment.
Mon cher petit Toto, je t’aime ! Mon grand Victor, je t’adore ! Mon beau poète, je vous admire.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16325, f. 25-26
Transcription de Jeanne Stranart assistée de Florence Naugrette

a) « plus tôt ».
b) « apercevoir ».
c) « je m’apperçois ».
d) « digne ».

Notes

[1Martine Hugo est la tante de Victor Hugo, veuve du major Francis Hugo. Elle occupa l’appartement de la Place Royale avec une domestique, Victoire, pendant l’absence de la famille Hugo qui séjournait aux Roches (Massin, t. V, p. 1346).

[2Hugo travaille à l’élaboration des Chants du crépuscule. Il terminera toutes les pièces du recueil avant le 25 octobre. Il rédigera la préface le 25 octobre. Deux jours plus tard, le 27 octobre 1835, le recueil est publié chez Renduel.

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