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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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24 juillet [1839], mercredi matin, 8 h. ½

Bonjour mon petit bien-aimé, bonjour mon petit Toto, vous êtes bien i, mon amour, et je vous aime. Je tâcherai de n’être pas trop méchante tout le temps que vous travaillerez ; ce ne sera pas de ma faute si je ne réussis qu’à n’être qu’une Juju triste et préoccupéea de l’absence de son Toto. Il ne faudra pas m’en vouloir si je laisse entrevoir parfois que j’ai moins de courage que de passion, et plus d’amour que de résignation. Je vous aime. Je me suis levée de bonne heure ce matin pour surveiller un peu ma servarde. Et puis à la fin du mois, je ferai ce que tu m’as dit au sujet de la dépense. Mais c’est égal, c’est fort ennuyeuxb d’être obligé d’en venir là pour quelqu’un qu’on a dans sa maison. Je n’ose pas envoyer chercher ma robe chez Gérard pour ne pas faire tout de suite une trop grosse brèche à notre argent. Cependant c’est bien nécessaire car chaque jour de retard m’ôte un quart d’aune de mon coupon d’étoffe. C’est le genre le plus Gérard et auquel on ne peut se soustraire qu’en lui laissant le moins longtemps possible la robe et surtout le SURPLUS entre les mains.
Je voudrais être à la veille de notre voyage. Quel bonheur ! Mais nous avons encore plus d’un mois auparavant d’y songer sérieusement, et c’est bien long pour une pauvre affamée comme moi, qui jeûne de bonheur depuis un bout de l’année jusqu’à l’autre. Baise-moi et tâche d’avoir fini ton travail tout de suite.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16339, f. 149-150
Transcription de Madeleine Liszewski assistée de Jean-Marc Hovasse

a) « procupée ».
b) « ennuieux ».


24 juillet [1839], mercredi soir, 7 h.

Et vous appelez ça vous avoir vu, vous ? Pas mal. Surtout après 18 heures d’absence. Vous êtes bien heureux que je sois bonne et que vous soyez si mouzon, sans cela je vous aurais fait une fameuse SCÈNE, mais toutes mes SCÈNES, je les garde pour quand vous aurez fini, alors ça fera un fameux torrent débordé toutes ces scènes-là à la queue-leu-leua. Dans ce moment-ci, je mets des DIGUES à mon courroux et je m’embarque sur l’océan Pacifique. Pourvu que je n’aille pas faire naufrage avant d’avoir quittéb le bord. Vous en seriez quitte pour me laver la tête et moi pour attendre que le flot de votre inspiration soit écoulé. Pourvu cependant que votre nouveau chef-d’œuvre ne soit pas destiné au théâtre nautique, en supposant qu’il surnage encore quand vous aurez fini [1]. J’aimerais mieux pour vous et pour moi que nous nous plongeassions tous les deux dans n’importe quoi que de faire une pareille stupidité. Je n’ai pas pensé, mon cher adoré, à te faire laver les yeux et j’en suis bien fâchée. Aussi pourquoi t’en vas-tu si vite qu’on n’a pas le temps seulement de te voir ? Vilain, va, si tu as mal aux yeux et que tu t’avises de ne pas revenir les baigner tout de suite, tu auras affairec à moi ce soir. Baisez-moi, mon Toto, et aimez-moi car je suis bien bonne.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16339, f. 151-152
Transcription de Madeleine Liszewski assistée de Jean-Marc Hovasse

a) « queu leu leu ».
b) « quittée ».
c) « à faire ».

Notes

[1Hugo commence l’écriture des Jumeaux deux jours plus tard.

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