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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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18 juillet [1839], jeudi matin, 10 h. ¼

Bonjour mon petit homme chéri. Comment vas-tu mon bien-aimé ? Voilà un bien vilain vent pour tes pauvres beaux yeux. Ne sors que pour venir chez moi, ça ne te fera pas de mal et me causera une grande joie. À propos de joie, notre culotte d’hier, grâce au peu de temps que nous avions pour la CONFECTIONNER, et à la maladresse peu commune de notre automédon [1] ne peut en bonne conscience passer que pour un gilet de TRICOT. Aussi je vous retiens pour les premières heures de loisir que vous aurez pour en faire une soignée, de culotte, nous la ferons complètea, rien n’y manquera, c’est bien le moins, n’est-ce pas mon amour ? C’est tantôt que la couturière vient m’essayer les deux robes blanches que je me fais arranger. Après, si tu peux me mener à pied chez la mère Pierceau tu me rendras service. Hier il faisait trop lourd et je ne pouvais pas mettre un pied l’un devant l’autre. Aujourd’hui c’est différent, et si le vent ne te faisait pas mal aux yeux je trouverais le temps charmant. Je t’aime Toto, je vous aime mon petit o. Baisez-moi, aimez-moi de même et nous serons heureux dans ce monde et dans l’autre. Jour mon Toto, jour. Je t’adore.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16339, f. 125-126
Transcription de Madeleine Liszewski assistée de Jean-Marc Hovasse

a) « complette ».


18 juillet [1839], jeudi soir, 9 h. ½

Je vous écris sur du trop petit papier, mon Toto, mais il n’y en a pas d’autre. La prochaine fois que je viendrai j’en apporterai. Mais pour ce soir il faut vous en contenter. D’ailleurs je vais tasser les mots d’amour les uns sur les autres, ça fait que vous aurez toujours le même compte. À propos Mme Pierceau a mon fameux éventail depuis dimanche ; quant au chien il ne peut sous aucun prétexte habiter dans un appartement, et même on croit que l’air de Paris lui est funeste, et pour cette raison M. Pasquier l’expédie aujourd’hui même pour un CHÂTEAU non en Espagne. On sent le goudron chez la mère Pierceau comme à bord d’un vaisseau amiral. Le médecin a ordonné ce parfum, mais ce qui est agréable sur les galets du Tréport ou de Saint-Valérya, est nauséabond et méphitique [2] au sixième étage sous les toits. Mais j’y pense, vous êtes revenu sur vos pas, le petit garçon m’en a donné avis, ça fait que j’ai pu vous voir au moment où vous tourniez le coin de la rue. Où alliez-vous donc ainsi ? Bon, je vous ferai une fameuse scène tout à l’heure mais en attendant je vous mijote pour vous faire venir le plus tôtb possible. Baisez-moi. Baisez-moi. Je vous ferai des yeux terriblesc mais il faut pour ça que je vous tienne. D’ici je ne peux que vous désirer et vous adorer.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16339, f. 127-128
Transcription de Madeleine Liszewski assistée de Jean-Marc Hovasse

a) « St Valry ».
b) « plutôt ».
c) « terrible ».

Notes

[1Automédon : cocher habile, conducteur.

[2Air méphitique : air puant, toxique, infesté.

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