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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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6 juillet [1839], samedi matin, 11 h. ½

Bonjour mon cher petit adoré, bonjour mon Toto. Quelle foi voulez-vous que j’ajoute à vos promesses dorénavant puisque vous n’en tenez pas une sur cent ? Je suis d’autant plus vexée de cette nouvelle inexactitude que je suis en proie ce matin à une légende ROUGE des plus foncéesa et qui me prendra tous mes MOYENS au moins pour quelques jours. Au reste je n’ai rien à me reprocher, ce qui n’est pas consolant du tout mais très désagréable.
Il est arrivé chez moi, cette nuit, à une heure quelconque, un événement qui tient du prodige. Mon grand chaudron placé sur une planche est tombé sans motif apparent, a entraîné une bouteille d’eau de cuivre, une autre d’eau [secouée  ?], les a brisées toutes les deux et s’en est si bien barbouillé et imprégné que, outre l’énorme bosse qu’il s’estb faite au fond de son cul de chaudron, il est tout noir de jaune qu’il était. Quant à moi, je n’ai rien entendu mais le portier prétend qu’il a entendu du bruit à 11 h. du soir, chose peu croyable en ce que j’étais seule à travailler et que j’aurais entendu aussi, toutes mes portes étant ouvertes. Enfin et pour épuiser la liste des événements, j’ai reçu tout à l’heure la note du serrurier montant à 26 francs dont 21 francs prixc convenu le reste pourra hardiment être diminué de 5 francs. Et puis je vous aime sans en rien rabattre de tout mon cœur.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16339, f. 77-78
Transcription de Madeleine Liszewski assistée de Jean-Marc Hovasse

a) « foncée ».
b) « c’est ».
c) « pris ».


6 juillet [1839], samedi soir, 6 h.

Je compte bien sur votre surveillance, mon Toto, pour vous revoir au moins une fois dans l’intervalle de mon départ. J’entends par « départ » celui où je quitterai le toit hospitalier de la mère Pierceau. J’avais oublié de te dire que son petit garçon avait copiéa en entier la Prière pour tous et appris par cœur la susdite pour la fête de son papa qui arrive mardi prochain. J’ai collationné le gribouillis avec beaucoup de joie. Il me semblait être au temps des Metz [1]Claire me répétait en revenant le soir les vers qu’elle avait appris dans les bois le jour. Heureux temps que celui-là et que je regrette tous les jours. Vous m’aimiez presqu’autant que je vous aimais au lieu que maintenant je suis seule à faire ma PARTIE, ce qui est horriblement triste. Nous avions les arbres, l’air et le soleil et l’amour et nous en usions. À présent nous n’avons même pas le ruisseau fangeux de la rue. Rien ne nous appartientb plus et nous avons l’air de pauvres parias [2]. Je t’aime cependant mon Toto comme au premier jour. Je t’aime plus si c’est possible. C’est bien vrai mon petit homme, crois-le bien car c’est bien vrai, bien vrai. Tâche de venir bientôt me voir. Je t’en prie, surveille-moi bien. Jour Toto. Soir pa. Soir man. Je t’aime.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16339, f. 79-80
Transcription de Madeleine Liszewski assistée de Jean-Marc Hovasse

a) « copier ».
b) « appartiens ».

Notes

[1En 1834-1835, Hugo et Juliette avaient connus des jours idylliques lors des villégiatures de Hugo chez les Bertin, aux Roches, dans la vallée de la Bièvre, au-dessus de Jouy-en-Josas. Juliette était alors installée en bordure de forêt, non loin, dans le village des Metz. Hugo l’y retrouvait en cachette.

[2Ce passage renvoie au poème « Tristesse d’Olympio »

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