Guernesey, 17 juillet [18]68, vendredi matin, 6 h. ¼
Je ne sais que te dire de ma nuit, mon cher bien-aimé, si ce n’est que je la dédaigne encore plus que la cour de Plutus [1] et que je me sens en voix plus que jamais pour chanter l’amour dans une autre gamme toutefois, que le trop Gentil-Bernard [2]. Je n’ai pas vu Créqui [3] mais j’ai été dévorée par les cousins au point que j’en ai les bras et les mains enflés et enfiévrés. Mais tout cela n’a pas d’importance si tu as bien dormi. Il y a aujourd’hui un an que nous sommes partis pour Bruxelles. C’est tout au plus si nous serons partis à la fin du mois cette année-ci. Pour moi, personnellement, je n’ai aucune hâte d’arriver à cette date plutôt qu’à une autre mais il n’en est pas de même pour ta famille. Aussi je crois que tu feras bien de faire force de voile et de rame pour être à Bruxelles le plus tôt possible. Est-ce aujourd’hui que nous reprenons la collation ? Je me tiendrai prête dans tous les cas. Le temps est bien brouillardeux ce matin mais il sera probablement très beau ce soir. Ce qui est sûr, c’est qu’il est déjà horriblement chaud et que je t’adore.
BnF, Mss, NAF 16389, f. 198
Transcription de Jeanne Stranart assistée de Florence Naugrette