Université de Rouen
Cérédi - Centre d'étude et de recherche Editer-Interpréter
IRIHS - Institut de Rechercher Interdisciplinaire Homme Société
Université Paris-Sorbonne
CELLF
Obvil

Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

Accueil > Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo > 1840 > Décembre > 3

3 décembre [1840], jeudi matin, [10 ?] h.

J’aurais mieux aimé plus de barbe à votre menton et plus de Toto dans mon lit. Il paraît que décidément cet excès de recherche de vous faire faire la barbe à dix heures du soir n’était pas pour moi. Je m’en étais doutéea comme vous savez, mon pauvre amour, mais cela ne m’empêche pas d’être aussi triste et aussi mystifiée ce matin que si je ne m’y étais jamais attendueb. Je te dirai, mon adoré, que tu as mal choisi le moment de disparaître tout à fait de mon pauvre horizon car je n’ai jamais été plus triste et plus tourmentée sur tes sentiments et sur notre position vis-à-vis l’un de l’autre. La complication des dettes et de la pension de Claire qui vient s’y ajouter me rend bien malheureuse, il me semble que tu as moins d’ardeur et moins de confiance dans tes forces qu’autrefois. Si cela était, il faudrait me le dire, mon bien-aimé, afin que je tâche de t’alléger le fardeau pendant qu’il en est encore un peu temps. Tout ce qui faudra faire pour moi personnellement je suis prête à le faire pour te soulager et pour conserver ton amour. Je te demande seulement d’en excepter ma pauvre fille et de me laisser faire tout ce qui pourra lui donner des ressources honnêtes pour l’avenir. D’ailleurs l’épreuve ne sera pas éternelle il s’agit d’une année et 240 f. [1], voilà tout cela ne vaut pas la peine de me mettre l’âme à la torture. Je t’aime mon Toto. Je voudrais savoir ce qui t’a empêché de venir et pourquoi tu t’étais fait coifferc et barbifierd si tard hier. Je t’aime.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16343, f. 197-198
Transcription de Chantal Brière

a) « douté ».
b) « attendu ».
c) « coiffé ».
d) « barbifié ».


3 décembre [1840], jeudi soir, 10 h. ¾

Je t’ai à peine vu, mon adoré, et encore tu avais l’air triste et préoccupéa comme hier. Je ne veux pas montrer à l’enfant l’inquiétude que le changement d’humeur me donne parce qu’auparavant tout je veux qu’elle n’emporte pas d’impression pénible de notre maison dans le peu de temps qu’elle y passe parmi nous. Mais quand nous serons seuls, mon bien-aimé, je te prierai du fond du cœur de me dire ce qui t’inquiète et t’attriste. J’ai dit à Mme Lanvin de faire auprès de M. Pradier une démarche pour l’engager à donner lui-même des leçons à sa fille ; elle m’a promis qu’elle ferait tout son possible pour le voir cette semaine et comme elle doit venir chercher la lettre à Antênor Joly elle me dira l’issue de sa démarche mais je doute, quantb à présent, qu’elle ait un bon résultat. Enfin nous n’aurons rien à nous reprocher, Dieu merci, je doute que M. Pradier puisse en dire autant à sa conscience.
Je t’écris tard, mon bon chéri, parce qu’après Mme Lanvin j’ai eu Mme Besancenot et sa fille qui sont restées jusqu’après dix heures. Ma Claire s’en va demain de très bonne heure. C’est le père Lanvin qui la ramènera à la pension. J’espère que l’explication sérieuse et douce que j’ai eueb avec ma fille lui fera grand bien. Elle est raisonnable et je crois qu’elle nous aime, deux raisons pour qu’elle comprenne la nécessité de ne pas abuser de ton dévouement et de ta générosité en pure perte. J’espère beaucoup de la petite conversation sérieuse de ce soir mais toi, mon adoré, toi qui me diras ce que tu as, ce que tu crains ou ce que tu souffres. Mon Dieu je t’aime pourtant de toute mon âme.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16343, f. 199-200
Transcription de Chantal Brière

a) « préocupé ».
b) « quand ».
c) « eu ».

Notes

[1Il s’agit des frais de pension de Claire.

SPIP | | Plan du site | Suivre la vie du site RSS 2.0
(c) 2018 - www.juliettedrouet.org - CÉRÉdI (EA 3229) - Université de Rouen
Tous droits réservés.
Logo Union Europeenne