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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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Guernesey, 19 juillet 1858, lundi matin, 6 h. ¼

Bonjour, mon cher petit malade, bonjour mon bien-aimé adoré. Je ne peux pas encore envoyer savoir comment tu as passé la nuit et comment tu te trouves ce matin parce qu’il est encore trop tôt pour aller frapper chez toi. J’attends avec impatience que l’heure me permette d’envoyer chercher de tes chères nouvelles. Quelle joie ce sera pour moi si elles sont bonnes. Je n’ose pas m’arrêter à la pensée de la possibilité d’une mauvaise nuit car je ne suis pas en fond de courage et de résignation pour de nouvelles souffrances qui viendraient s’ajouter à toutes celles que tu as déjà endurées. J’ai le projet d’aller dans l’après-midi de 2 à 3 h. prendre un bain. Je te l’ai fait dire par Kesler afin que tu le saches dans le cas où tu aurais quelque chose à me demander dans la journée pour que tu t’y prennes plus tôt ou plus tard que 2 h. et 4 h. ou 3 h. et 5 h., selon que je serai prête entre toutes ces heures là. Les Marquand voulaient me faire sortir ce soir après mon dîner mais je les ai refusésa sous prétexte du bain. Ils se proposent de revenir à la charge mardi, mais je trouverai moyen d’éluder la promenade qu’ils ne m’offrent, du reste, que dans une excellente intention. Cher adoré, il m’est impossible de faire autre chose que t’aimer, attendre de tes nouvelles, prier pour que Dieu te guérisse tout de suite, puis t’aimer, t’aimer encore, t’aimer toujours et t’attendre avec toute l’impatience de mon amour.

BnF, Mss, NAF 16379, f. 146
Transcription d’Anne-Sophie Lancel assistée de Florence Naugrette

a) « refusé ».


Guernesey, 19 juillet 1858, lundi après-midi, 1 h. ¾

Heureusement que tu vas toujours mieux, mon cher adoré, ce qui me donne la patience de supporter mille petites taquineries du sort. La complicité avec la stupidité de tes servantes, lesquelles s’obstinent à te donner des œufs de trois jours quand je veux leur en donner de trois heures pour toi et quelquefois même de la minute présente, sans compter qu’elle te donne du bouillon aigre pendant que j’en conserve de l’excellent que je leur offre trois ou quatre fois dans la journée. Cette petite tracasserie m’agace plus que je ne peux dire à cause de toi que je voudrais entourer même de loin, de tous les soins comme je te couvre de toutes les tendresses. Je n’ai pas pu m’empêcher de le dire tout à l’heure à Kesler en le priant toutefois de ne t’en rien dire dans la crainte de te contrarier. C’est déjà beaucoup trop que tu n’aies pas les choses à point sans t’en faire une [de plus  ?] de mécontentement. Je l’ai prié de te dire que je t’aime de toute mon âme et que je hâte de tous les vœux de mon cœur ta prompte guérison. J’espère qu’il trouvera l’occasion de faire ma commission. En attendant, j’irai au bain dans une heure à peu près et je serai deux heures absente. Tâche de mettre ce temps à profit en étant de mieux en mieux.

BnF, Mss, NAF 16379, f. 147
Transcription d’Anne-Sophie Lancel assistée de Florence Naugrette


Guernesey, 19 juillet 1858, lundi soir 7 h.

Merci, mon bien-aimé adoré, de m’envoyer Kesler plusieurs fois dans la journée me donner de tes chères nouvelles, que tes servantes me donnent un peu en l’air et sans trop savoir ce qu’elles disent. Ainsi ce matin elles disaient, Cœlina et Rosalie, que tu avais passé une très bonne nuit et que tu avais dormi sans te réveiller jusqu’à huit heures ce matin, et il paraît qu’il n’en est rien, au contraire, et que la mauvaise position de ton cataplasme t’a causé une douloureuse insomnie. Tu vois, mon pauvre adoré, combien j’ai besoin d’avoir des renseignements plus sérieux que ceux qui me viennent de tes domestiques. Il est vrai de dire que le brave docteur qui entre toujours me donner de tes nouvelles après ton pansement du matin m’assure que tu vas très bien et que bientôt toute crainte de rechute aura disparua. En attendant, mon pauvre adoré, il faut que tu prennes les plus grandes précautions pour ne pas arrêter ni retarder ta convalescence si ardemment désirée et si impatiemment attendue par moi, sans compter tous ceux qui t’aiment et le nombre en est grand. J’espère que Kesler reviendra ce soir me dire comment tu te sens préparé pour la nuit prochaine. Quel bonheur si tu pouvais la passer tout à fait bonne. Oh ! S’il ne s’agissait que de le souhaiter de tout mon cœur, de toute mon âme, tu serais sûr d’avoir une nuit de paix, de repos, de sommeil, de rafraîchissement, et de guérison dans la nuit qui se prépare car je le demande pour toi à Dieu avec ce que j’ai de plus fervent, de plus croyant et de plus tendre dans le cœur.

BnF, Mss, NAF 16379, f. 148
Transcription d’Anne-Sophie Lancel assistée de Florence Naugrette

a) « disparue ».


Guernesey, 19 juillet [1858], lundi soir 10 h. ¼

Toujours bonne nouvelle de toi, mon cher adoré, Suzanne a vu le docteur tout à l’heure qui lui a dit que ta journée avait été parfaitement bonne et qu’il espérait que tu auras une très bonne nuit aussi. J’accueille cette espérance avec toute la tendresse de mon âme, mon cher petit malade adoré, et je prie Dieu de tenir toutes les promesses qu’il nous a faites pendant toute cette journée. Bonsoir, mon bien-aimé, bonsoir, bonne nuit de tout mon cœur et avec tous mes baisers. Si tu étais là, mon pauvre bien-aimé au lieu d’être là-bas. Hélas ! Je te dirais que j’ai reçu les cartes de Miss Grut, devenue Mistress Dixon, plus celle de M. Dixon. Je te dirais aussi que j’ai payé Lelâcheur tantôt en revenant du bain parce que je n’osais plus passer devant sa maison. Peut-être même tel l’ai-je déjà écrit dans mon précédent gribouillis, mais cela importe peu. Ce qui importe, mon doux adoré, c’est que tu guérisses bien vite et que tu m’aimes toujours. Moi je t’adore dans toute la force et toute l’acception du mot. Je t’adore.

BnF, Mss, NAF 16379, f. 149
Transcription d’Anne-Sophie Lancel assistée de Florence Naugrette

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