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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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23 juillet [1840], jeudi, midi ½

Te voilà parti encore une fois, mon adoré, et malgré tes promesses je doute fort que je te revoie avant le soir. Je me résigne tant bien que mal, trop heureuse quand la jalousie ne vient pas se mêler à l’absence pour faire de ma tristesse une espèce de rage concentrée. Tu me trouves bien méchante et bien ridicule, mon Toto, et je ne suis cependant que bien amoureuse et bien jalouse. Si je t’aimais moins je serais très aimable et très douce, malheureusement c’est impossible. Pense aux livres de Mme Krafft, je t’en prie, je t’en prie. N’oublie pas de me rapporter les cheveux de l’empereur, cet autre Toto pareil à l’autre [1]. Enfin pense à me montrer ta bague, puisque tu ne veux pas me la donner que je sache au moins si tu l’as encore et si personne ne s’en est servia depuis que tu l’as. J’aurais désiré de tout mon cœur que ces portraits [2] fussent encadrés mais impossible de l’obtenir de toi ce que j’avais prévu dès auparavant de faire faire les susdits. Tout ce qui est pour moi ne vaut pas la peine que tu t’en occupes. C’est connu et le redire c’est inutile. Jour Toto, jour mon petit o, vous êtes bien i, voime, voime. Si je pensais que tu me fasses sortir aujourd’hui je m’apprêterais mais je ne peux pas le croire aussi je ne me presse pas, j’ai fait ta tisaneb et je flâne. Je flâne d’autant plus que je me suis très fatiguée hier après la petite table de Fifine [3]. Il fait un temps ravissant et bien propre à un dîner [[à] nos barrières ?] mais ça va avec le reste, ça n’est pas pour mon fichu nez… Hou !!! Jour Toto. Si je m’écoutais je pousserais d’affreux cris de tristesse mais je ne m’écoute pas non plus et je vous dis que vous êtes charmant. Voime, voime. Baisez-moi vieux scélérat, je vous aime trop et vous en abusez. Baisez-moi qu’on vous dit, vous êtes mon grand Toto PAREIL à L’AUTRE.

Juliette

BnF, Mss, NAF, 16343, f. 49-50
Transcription de Chantal Brière

a) « servie ».
b) « tisanne ».

Notes

[1Il s’agit de Victor le fils cadet, que Juliette désignera de manière plus explicite dans la lettre du 3 juin 1841 : « Didine ravissante, Charlot charmant et mon cher petit Toto, pareil à l’autre, qui avait l’air pâle et souffrant ».

[2Juliette et de Victor Hugo ont été photographiés le 18 juillet.

[3Sobriquet de Joséphine.

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