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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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11 février [1840], mardi après-midi, 1 h. ½

Bonjour mon cher petit bien-aimé, bonjour mon adoré. Comment vas-tu mon bon petit homme ? J’espérais que tu viendrais cette nuit et je m’étais arrangée pour me bien porter. Cela n’a servi de rien puisque tu n’es pas venu. Je sais que tu travailles, je sais aussi que la Cacadémie [1] est là qui te jugule mais je sais aussi que je t’aime, que je t’attends et que je te désire. Il fait un temps ravissant aujourd’hui presque aussia beau qu’hier, je trouve qu’on serait très bien en CULOTTE de ce temps-ci, et toi ? Non pas que j’espère que tu m’en donneras une à essayer, je n’ai pas de ces stupides illusions mais cela ne m’empêche pas de constater qu’il fait un temps tout à fait de saison pour ce vêtement, que les pudiques Albionnes appellent indispensableb. Vous êtes allé chez M. Lebrun [2] hier, ce qui me noircit considérablement mes idées aujourd’hui, je n’aime pas que vous alliez si souvent montrer vos belles dents et votre charmant sourire à toutes ces femelles dévergondées. Je commence à comprendre l’utilité du mariage dans l’amour, c’est un moyen honnête de surveiller son bien et de le garder à vue nuit et jour et partout. Tout cela me rend triste et me fait supposer un avenir peu [rosé ?]. Décidément je ne suis pas née sous une fameuse étoile. Je t’aime c’est tout dire. À bientôt, du moins je le désire de tout mon cœur.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16341, f. 148-149
Transcription de Chantal Brière

a) « presqu’aussi ».
b) « indispensables ».


11 février [1840], mardi soir, 6 h. ½

Vous êtes encore plus rare que le soleil dans cette saison et vous restez encore moins longtemps que lui sur mon pauvre horizon froid et triste, mon amour, et cependant je sens bien que vous n’êtes pas si occupé que vous le dites, mon Toto. Je sens bien que d’ici à quinze jours ce sera bien pire et que je ne vous verrai même plus une fois toutesa les vingt-quatre heures. Tout cela ne me met pas de baumeb dans mes épinards, il s’en faut bien, et je suis triste comme un pauvre chien qui a perdu son maître.
Quand il va falloir corriger les épreuves de ce fameux volume si impatiemment attendu [3], quand il va falloir faire des visites [4] de triomphe ou de condoléances vous serez encore bien moins à moi qu’à présent où vous l’êtes déjà si peu que j’en ai à peine assez pour ne pas me livrer au chagrin le plus atroce ; tandis que si tu voulais y mettre un peu du tien, tu viendrais plus souvent et tu resterais un peu plus longtemps de manière que je renouvellerais mon courage, ma persévérance et que je ferais provision de joie et de bonheur pour le temps où tu n’es pas avec moi. Est-ce que tu ne trouves pas ça juste, mon chéri ? Eh bien alors il faut faire ce que je te demande et je serai bien courageuse et bien résignée. En attendant je t’aime. Je me plains parce que je t’aime. Je m’impatiente parce que je t’aime, je te désire parce que je t’aime, je voudrais ne pas te quitter jamais parce que je t’aime. Enfin tout chez moi n’a qu’une raison, une cause, un effet, un but : t’aimer, t’aimer, t’aimer et t’aimer. Jour Toto, jour mon petit o. Jour mon petit homme. Je t’attends.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16341, f. 150-151
Transcription de Chantal Brière

a) « tous ».
b) « beaume ».

Notes

[1Hugo est candidat à l’Académie française.

[2S’agit-il de Pierre-Antoine Lebrun (1785-1873), homme politique et académicien depuis 1828 ?

[3Les Rayons et les Ombres.

[4Hugo est candidat à l’Académie française.

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