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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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7 février [1840], vendredi soir, 4 h. ¼

J’ai interverti l’ordre de mon gribouillis pour pouvoir être prête plus tôta mais, mon petit homme, je t’assure que ce retard ne t’est pas préjudiciable et que mon amour concentré se double, se quadruple et se centuple loin de se diminuer. Ce matin à 8 h. quand la bonne est entrée je l’ai avertiea de dire à celui qui viendrait chercher Claire que je la gardais encore aujourd’hui et que je le priais de revenir. Il paraît que c’est M. Félix qui est venu et non pas Lanvin , il reviendra demain matin. Sur les midi, l’ouvrière habituelle de Chappelle est venue chercher de l’argent, elle avait un reçu tout fait de 30 F. mais comme je n’en avais que vingt chez moi il a bien fallu qu’elle m’en fasse un autre. Je lui ai dit aussi qu’il ne fallait pas que M. Chappelle envoyâtb tous les huit jours chez moi, que c’était déjà beaucoup tous les mois. Elle m’a dit qu’elle ne comprenait pas qu’on soit venu dans l’intervalle de ses deux visites à elle, qu’il fallait qu’il y eût malentendu et qu’elle s’en expliquerait avec Mme Chappelle. Du reste, mon Toto, je suis maintenant sans le sou et sans vin. Je te le dis pour ta gouverne. Nous sommes toutes prêtes et le dîner se fait, tu serais bien gentil de le convertir en souper et de le manger avec nous par exemple. Si tu nous fais faux bondc encore cette fois-ci c’est fini, je ne crois plus à rien et je vous abandonne à votre malheureux sort. Voici que je vais découper le poulet, après nous mangerons la soupe et nous nous croiserons les bras jusqu’à votre arrivée. Nous avons le temps de dormir, n’est-ce pas ? Baisez-moi, vieux Toto, baisez-moi et dirigez vos pas vers moi. J’ai rêvéd de vous toute la nuit, scélérat. Pourquoi que vous n’êtes pas venu, je vous aurais si bien dodinée ? Vous venez si rarement que c’est comme un fait exprès j’ai la tête comme une citrouille ce jour-là. Si vous veniez tous les jours je me porterais mieux et je vous rendrais tout le bonheur que vous me donneriez. Mais vous n’êtes pas si bête et voilà pourquoi je suis si maussade et si souffrante, c’est votre faute. Baisez-moi et donnez-nous toute votre soirée si vous tenez à conserver votre popularité auprès de ces deux femelles. Quant à moi je suis salée et à l’abri de toute corruption, je vous aime quand même et de tout mon cœur.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16341, f. 136-137
Transcription de Chantal Brière

a) « averti ».
b) « envoya ».
c) « bon ».
d) « rêver ».
e) « daudiner ».

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