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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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6 février [1840], jeudi soir, 5h. ¼

Nous sommes sous les armes, mon Toto, mais Dieu sait que ça n’aboutira qu’à une soirée fort longue et fort monotone passée au coin de mon feu avec ma pauvre fille. Enfin pour faire preuve d’obéissance militaire j’ai endossé le fourniment complet et j’attends que vous vouliez bien me relever de la faction infiniment prolongée que vous me faites faire depuis notre retour de voyage. Ensuite pour votre gouverne, mon adoré, je vous dirai que je vous attends tous les jours pendant 18 heures durant et que je ne peux pas dans les six heures restantesa de la journée, boire, manger, dormir, m’habiller et faire mes affaires, c’est trop, beaucoup trop dans ce court espace de temps et rien du tout dans le trop long que je passe à vous attendre dans une inaction forcée. Maintenant, mon Toto, ne faites pas semblant de prendre le change, sur mon humeur, sur ma manière et sur mes goûts car je n’en suis pas la dupe ni vous non plus. Vous savez très bien que je vous aime, vous savez que je n’ai de joie qu’en vous et que je vous préfère à tout même à ma santé qui se détraque de plus en plus. Baisez-moi, vieux sorcier, et venez me donner ma revanche demain c’est-à-dire cette nuit. Les petites Besancenot sont venues raconter les merveilles de leur spectacle d’hier et mettre ainsi le feu sous le ventre à cette pauvre Claire. Enfin vous serez bien absurde si vous ne nous menez pas à un pauvre petit acte dans un spectacle quelconque. Jour Toto, je vous aime vous savez, il fait un temps ravissant, aussi pour vous faire honneur et pour vous engager à ne pas nous quitter de ce soir j’ai mis ma [ROTTE ? ROBE ?] de Lyon et je mettrai mon plus beau tapeau [1] si vous nous faites sortir. Je vous aime, mon cher petit homme, ne perdez pas ceci de vue car c’est bien vrai, bien tendre et bien doux. Jour scélérat voici 5 h. 1/2 et vous ne paraissez pas encore à l’horizon. Jour, onjour, je vous tirerai les oreilles, en attendant je vous tire la langue, c’est tout ce que je peux faire pour ma vengeance.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16341, f. 134-135
Transcription de Chantal Brière

a) « restant ».

Notes

[1Déformation du mot « chapeau ».

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