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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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6 mai 1840

6 mai [1840], mercredi matin, 9 h. ½

Bonjour mon Toto chéri, bonjour mon grand Toto, bonjour mon amour, bonjour je t’aime, je t’aime, je t’aime. Il y a déjà longtemps que je suis levée mais je continue mon petit système de bouseulage, hier c’était l’extérieur, aujourd’hui c’est le tour de l’intérieur : armoires, etc., camphre et [poudre ? poivre ?] dans les nippes d’hiver, enfin j’en ai pour toute la semaine y compris les rideaux et les matelas. Cependant je planterai tout là chaque fois que tu pourras ou que tu voudras me donner une culotte, une sortie, une heure, une minute, une seconde de bonheur. Mon ménage ne vient qu’après toi et j’oserai même dire que sans l’amour que j’ai pour toi tout ce que je fais me paraîtrait odieux et impossible. Je copierai tantôt ce que tu m’as donné à copier mais je ne suis pas très ravie parce qu’il n’y a que deux ou trois petites lignes bien maigres de votre écriture. Vous m’aviez promis des vrais autographes tandis que vous ME RENDEZ À MOI-MÊME, ce qui est monotone. Baisez-moi mon amour et laissez-vous aimer et adorer par moi comme si vous n’étiez pas le plus beau, le plus grand, le plus noble et le plus sublime des Toto. Baisez-moi qu’on vous dit et ne me laissez pas vous désirer trop longtemps. J’ai faim et soif de vous, mon adoré, venez vite.

Juliette

BnF, Mss, NAF, 16342, f. 115-116
Transcription de Chantal Brière


6 mai [1840], mercredi soir, 6 h. ¼

Je tombe de fatigue, mon Toto, je veux cependant t’écrire auparavant de me coucher ; d’ailleurs cela me délassera de te dire combien je t’aime, combien je t’admire, combien je t’adore, et puis, tout à l’heure, aussitôt que je serai débarbouillée je me baignerai dans ta poésie si suave, si ravissante et si douce. Mon Dieu que je voudrais avoir un peu d’esprit pour une minute, le temps de te dire comment je sens et j’admire toute ta poésie, vers et prose. Un seul mot de toi vaut mieux qu’une page des autres, tout est éblouissant et on ne peut pas dire de toi ce que tu dis de Benvenutoa [1] et des poignées d’épées en acier ciselé : « que la matière est [moins ?] précieuse que le travail. » Toi tu fais des diamants avec des gouttes d’eau, des perles avec des cailloux, des choses les plus vulgaires des merveilles et tu as le secret de la terre et des cieux. Mon Dieu que je suis honteuse de ne pas même pouvoir dire combien je sens que tu es un homme au-dessus des autres hommes, combien tu es adorable et doux, combien tu es ravissant et divin, combien je t’aime, combien je t’admire, combien je t’adore. Je sens tout cela comme un ange et j’en parle comme une vachère, ce n’est pas ma faute. Je t’aime.

Juliette

BnF, Mss, NAF, 16342, f. 117-118
Transcription de Chantal Brière

a) « Benevenuto »

Notes

[1Benvenuto Cellini (1500-1571), célèbre orfèvre, sculpteur et dessinateur, très prisé des artistes romantiques.

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