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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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2 juin [1839], dimanche matin, 11 h. ¼

Bonjour, mon cher petit bien-aimé, bonjour mon petit homme chéri. Pourquoi n’es-tu pas venu ce matin ? J’aurais peut-être pu réparer ma maladresse et je t’aurais aimé à coup sûr. Pourquoi donc n’es-tu pas venu ? Tu ne m’en veux pas, n’est-ce pas, mon Toto ? Notre pauvre petit souper a été coupé cette nuit bien désagréablement par cet incident fâcheux. D’autant plus fâcheux que tu n’as pour le moment, pas d’autre pantalon, et que j’ai trop rarement le bonheur de te posséder un moment qui ne soit pas ENTRE DEUX PORTES. Enfin c’est dit que le diable guignonnant se mêlera toujours de tirer notre amour PAR LA QUEUE. Je comptais me rabibocher ce matin. J’avais compté sans mon autre.
Jour, Toto. Le temps est mou et lourd comme hier et nous aurons encore de la pluie tantôt. Dans ce pays-ci, voilà tout ce qu’on peut attrapera à la place de beau temps : la pluie avec de la chaleur, et du froid avec de la pluie mais toujours de la pluie pour n’en pas perdre l’habitude. Je voudrais bien aller chez la mère Pierceau aujourd’hui. Je trouve dur de ne pas lui donner cette marque de sollicitude dans le moment où elle en a tant besoin. Je vous aime, Toto. Je vous adore, mon petit homme. Et vous ?

Juliette

BnF, Mss, NAF 16339, f. 3-4
Transcription de Madeleine Liszewski assistée de Florence Naugrette

a) « attrapper ».


2 juin [1839], dimanche soir, 9 h. ¼

Je vous aime, mon cher petit homme. Et malgré les petites allusions malignes que vous faites à mon ÂGE, je vous aime. Le pauvre petit malade [va] un peua mieux : il a été saigné et sangsué [illis.] fois en tout, enfin il va mieux et la pauvre mère aussi car elle était pour le moins aussi malade que son fils. Je ne serais cependant pas fâchée que tu vinsses me reprendre très tôt. La première raison, c’est que je vous verrai plus vite, la seconde, c’est que je laisserai reposer Mme Pierceau qui doit en avoir besoin. Je ne lui ai pas dit que nous étions allés hier au Théâtre Français parce qu’il y a des choses qu’on doit taire selon les circonstances comme les toilettes de Mme de Girardin.
Je vous ai regardé en aller tantôt jusqu’à votre dernier petit talon, vous étiez bien i. Je ne vous crois pas, mon cher petit blagueur, pour MARIE TUDOR ce soir. Ainsi si vous venez, ce sera de l’inattendub, c’est-à-dire du bonheur ravissant. Jour on jour on jour a est i papa.
J’ai encore un petit point noir dans le cœur de la contusion de tantôt mais cela disparaîtra aussitôt que je vous verrai car vous serez gentil, n’est-ce pas ? Baise-moi, mon amour. Je suis tourmentée d’avoir donné à la bonne la permission de sortir ce soir. C’est une imprudence que je regrette à présent. Pourvu que nous ne trouvions pas la maison dévalisée en rentrant. QUEL BONHEUR !!!!!c Au reste, le sort en est jeté. Ainsi, tant pis. Aimez-moi, et je permets au voleur d’emporter la maison : (fable de la Fontaine [1]).

Juliette

BnF, Mss, NAF 16339, f. 5-6
Transcription de Madeleine Liszewski assistée de Florence Naugrette

a) « peux ».
b) « inatendu ».
c) Les cinq points d’exclamation courent jusqu’à la fin de la ligne.

Notes

[1Fables, La Fontaine, livre IX, fable 15, 1678 : « Le mari, la femme le voleur ». Pour remercier un voleur du bonheur d’avoir sa femme jetée dans ses bras par la peur et l’amour, un mari lui propose de voler ce qu’il veut dans la maison.

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