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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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17 novembre [1837], vendredi, midi ½

Bonjour mon petit homme bien aimé, bonjour mon cher petit Toto. Je fais bien la paresseuse tandis que tu travailles, toi, ou du moins j’en ai bien l’air tandis qu’en réalité je dors si peu la nuit et je suis si préoccupée de toi que la fatigue de la nuit se fait sentir le matin et je suis forcée de dormir autant de temps que j’en ai passé à me retourner dans mon lit. Il faut que je me dépêche cependant de me lever dans le cas où le Manière se déciderait à venir tantôt, ce qui est peu probable.
Comment vas-tu ce matin, mon cher petit homme chéri ? Je ne t’ai pas quitté de la pensée un seul instant, dormant ou éveillée c’est toujours toi qui m’occupais. Cette nuit j’étais dans ta chambre essayant d’y faire du feu sans pouvoir y réussir. Tu avais bien froid et j’étais bien malheureuse. Tous ces vilains rêves n’arriveraient pas si tu couchais avec moi toutes les nuits comme c’est ton devoir. Je n’ose pas grogner mais ce n’est pas faute d’envie, et le gargarisme que j’ai dans la gorge ne m’en empêcherait pas si je ne craignais pas de crier dans le désert. Je fais donc bonne mine à mauvais jeu pour vous mon vilain homme. Tâchez au moins de m’en récompenser en venant de bonne heure. D’ailleurs il faut que vous soyez là dans le cas extraordinaire où viendrait Manière. En attendant je t’aime, je pense à toi, je te plains et je t’adore. N’oublie pas si tu vois Boulanger de lui redemander mes dessins. J’en ai absolument besoin pour mon bonheur particulier. Et puis je baise tes petits pieds pour les réchauffer.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16332, f. 61-62
Transcription de Sylviane Robardey-Eppstein


17 novembre [1837], vendredi soir, 4 h. ¾

Comprends-tu que ce hideux Manière ne soit pas venu encore ce soir, et qu’il ne m’ait pas écrit ? Je ne sais que penser de cette façon d’agir plus que sans-gêne. Quant à toi, mon pauvre bien-aimé, je sais combien tu as d’affaires et je ne t’en veux pas de n’être pas encore venu aujourd’hui. J’espère que tous ces ennuis vont finir bientôt, car s’ils devaient se prolonger comme ça encore très longtemps, cela ne serait pas tenable.
J’ai là une lettre que je crois être de Claire. Dans le cas où tu tarderais à venir, je l’ouvriraia, ce qui serait assez juste je crois. Il fait un temps de chien, il pleut, il gèle. Toujours est-il que tu feras bien de faire attention à toi. Quand donc les gilets de flanelle ? C’est aujourd’hui que tu auras vu le nouveau maître de Charlot sans doute ? C’est pour cela que tu ne seras pas venu et c’est pour cela aussi que tu n’auras pas pensé une seule fois à ta pauvre vieille Juju qui t’aime tant et qui te désire toujours. Quoique ce soit très méchant et très vilain, je vous pardonne pour aujourd’hui à condition que vous ne me laisserez pas toute la soirée seule. J’ai bien mal à la tête. J’ai le cœur triste. Je suis sûre que votre présence dissipera tout cela comme par enchantement. Mais pour que cela ait lieu, il faut venir et venir tout de suite, ou sans cela je ne réponds plus de rien que de vous aimer toujours comme une pauvre folle. Je baise vos cils et vos dents.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16332, f. 63-64
Transcription de Sylviane Robardey-Eppstein

a) « ouvrirais ».

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