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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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7 mars 1840

7 mars [1840], samedi après-midi, 1 h. ¼

Bonjour mon Toto chéri, je t’aime. Comment vas-tu ce matin ? Pourquoi ne viens-tu pas te reposer auprès de moi le matin, dis ? Tu paraissais épuiséa de fatigue cette nuit, mon pauvre petit homme, et tu as recontinué à marcher et à travailler comme si de rien n’était. Je vais dire une bêtise, mon bon petit homme, mais la plume me démange, je n’y tiens pas : c’est que je trouve que tu as trop de dévouement et pas assez d’amour. Je voudrais qu’au lieu de te tuer toutes les nuits à travailler avec une persévérance désespérante, tu vinssesb te reposer auprès de moi, ne fût-cec que de deux jours l’un. Autrefois tu faisais comme cela et les choses n’en allaient pas pire et le cœur en allait mieux. Si je me trompe, je t’en demande humblement pardon et je te prie de m’infliger un mois d’amour sans intermittence et je la subirai avec joie et ravissement. En attendant je rognonned dans mon coin et je demande de la copie à force. Vous m’en promettez tous les jours et tous les jours vous la faites faire par la belle Didine. Est-ce juste ça, voyons ? Baisez-moi et aimez-moi. Je vous aime moi et vous en abusez. Chappelle n’a pas envoyée chercher son argent, je l’ai mis de côté ainsi que celui de Mignon qui seront exactsf demain ceux-là, il n’y a pas de danger. Toto je t’aime, Toto tu es mon bon petit bien-aimé. Pense à moi et viens me voir très tôt. Je te désire, je t’aime, je t’espère, je t’attends et je t’aime, voilà l’état de mon moi dans ce moment-ci. Et comme le baromètre c’est au beau fixe.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16341, f. 240-241
Transcription de Chantal Brière

a) « épuiser ».
b) « vinsse ».
c) « fusse ».
d) « rognone ».
e) « envoyer ».
f) « exact ».


7 mars [1840], samedi soir, 5 h.

J’attends avec bien de l’impatience, mon adoré, que tu me lises le manuscrit que tu m’as apporté tantôt. Il faut tout mon respect pour ta volonté pour ne pas grignoter le susdit jusqu’à la dernière lettre : mais, mais… si je ne crains pas les coups je crains beaucoup de te déplaire, ce qui me [musellea ?] horriblement la curiosité. Aussitôt que je t’aurai écrit je commencerai mes comptes. Enfin ! ce n’est pas malheureux. Quel beau temps, mon Toto, quel bonheur ce serait de m’accrocher à ton bras et de marcher à côté de toi tandis que tu travaillerais. Je vais joliment me tenir prête de bonne heure à présent que voici les beaux jours afin de profiter de tes excursions. Aujourd’hui j’aurais été prête si tu avais voulu m’emmener mais je n’ai pas osé te le demander parce que je sais que deux jours de suite sortir avec toi c’est trop de bonheur et que tu ne veux pas me faire prendre de mauvaises habitudes. Aussi je n’ai pas soufflé ni bougé comme une Juju bien dressée que je suis. Mais vous seriez bien aimable, comme le dit très bien la servarde, si vous vouliez venir manger notre poulet ce soir et encore demain matin. Qui est-ce qui vous empêche de me donner cette joie ? Si vous m’aimiez, vieux vilain, vous ne vous feriez pas tant prier. Mais enfin puisque je vous prie de tout mon cœur, consentez.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16341, f. 242-243
Transcription de Chantal Brière

a) « musèle ».

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