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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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18 août 1852, Jersey mercredi matin, 7 h. ½

Bonjour, mon cher petit voisin, bonjour mon grand salop, bonjour vilain sale, bonjour aux lieux que vous habitez de préférence, bonjour par devant et par derrière pour ne pas me tromper, votre habitude étant maintenant de vous servir de lunettes de tous les côtés. Tout votre bonheur et toute votre poésie se sont réfugiés dans le caca O. Grand bien vous fasse et que le Dieu des vents vous soit propice. Je n’ai pas trouvé de papier plus dégoûtant pour vous écrire et je le regrette à cause de la couleur locale. Du reste il m’eût été difficile de choisir, n’ayant plus un atome de papier blanc dans toute la maison. Il faudra que j’aille m’en approvisionner à Saint-Hélier [1] en même temps que j’irai m’informer des prix qu’on prendrait par jour pour nous nourrir tous. J’aurais voulu y aller tantôt mais j’ai réfléchi que c’était aujourd’hui que ce brave aubergiste pendait la crémaillère avec les AUTORITÉS et je ne trouve pas nécessaire de me trouver au milieu de ce [illis.a] culinaire. J’irai dans [illis.a] que tu ne préfères que j’y [illis.a] en même temps je [illis.] mon billet contre de la monnaie car depuis longtemps je n’ai pas d’argent à moi et c’est aujourd’hui le mois de Suzanne. Si tu veux nous arrêterons nos comptes aujourd’hui. Ce matin on est venu m’offrir un merlan d’une grosseur prodigieuse pour 10 s. Malheureusement il était trop gros pour moi et puis je venais d’acheter un énorme pot au feu. J’ai bien regretté de ne pas pouvoir te l’envoyer car il était d’une fraîcheur exquise et d’une grosseur monstrueuse. C’est une dame de la maison, l’anglaise qui occupe mon appartement qui l’a acheté ; il est vrai qu’elle a beaucoup [illis.a]. Je m’aperçois, mon pauvre amour, que tous mes gribouillis depuis quelques jours ne sont remplis que de pot au feu et de détails de ménage. C’est très vertueux peut-être mais peu amusant pour un homme si occupé de [déménager  ? démanger  ? [2]] comme vous l’êtes. Aussi, je m’arrête court et je change brusquement de thème pour reprendre mon favori. Toto, je t’aime, je t’aime, je t’aime. Mon cœur ne saurait trouver d’autres versions.

Juliette

N’est-ce pas aujourd’hui jour du bateau français ? Quel bonheur si ton jeune Victor pouvait y être [3] !

BnF, Mss, NAF 16371, f. 227-228
Transcription de Bénédicte Duthion assistée de Florence Naugrette

a) une tâche d’encre occulte plusieurs mots de cette lettre.

Notes

[1Saint-Hélier : ville principale de Jersey qui comptait en 1852 trente mille habitants et dont le port en voie d’achèvement était par son commerce le septième d’Angleterre.

[2On lit « démanger ». Le sens fait pencher pour « déménager ». Peut-être s’agit-il d’un jeu de mots volontaire.

[3François-Victor n’est pas arrivé à Jersey le 31 juillet 1852 avec sa mère, sa sœur Adèle et Auguste Vacquerie pour rester à Paris où vit sa maîtresse Anaïs Liévenne.

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