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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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Bruxelles, 19 juin 1852, samedi après-midi.

Bonjour, mon petit bien-aimé, bonjour du milieu de toute ma podagrerie [1]. Je crois que tu auras bien de la peine à me faire sortir aujourd’hui car il m’est impossible de me tenir sur les pieds. Pour peu que cela continue dans la même progression depuis hier je serai tout à fait percluse ce soir de tous mes membres à la fois. Cela n’est pas précisément drôle et je commence à m’en affecter plus encore pour toi que pour moi. Pauvre bien-aimé, quel fardeau pour toi et quel embarras, mon Dieu au moment de partir que celui de m’avoir malade et paralytique. D’y penser mon cœur se serre et mes yeux se mouillent. Oh j’aime mieux mourir tout de suite que de t’imposer cet affreux devoir de soigner mes infirmités. Cher adoré, je suis dans une disposition d’esprit qui se ressent naturellement des souffrances multipliées que j’endure depuis quelques jours. Je te supplie de ne pas y faire attention.
Voici Suzanne qui me rapporte les instructions d’Yvan avec les globules. Il me mande dans sa lettre que le temps m’est peu favorable. Je le sens, du reste, puis il a dit à Suzanne que le climat de la Belgique m’était tout à fait contraire, ce que je savais déjà par expérience. Il est vrai que celui de Jersey ne me sera pas plus favorable mais là n’est pas la question. Pourvu que tu sois en sûreté et que le bon Dieu me prenne avant que je te sois devenue un objet d’ennui et de dégoût, je suis heureuse et je me résigne à toutes mes vieilles maladies. En attendant, mon doux adoré, je t’aime autant et plus encore si c’était possible que lorsque je suis bien portante. D’ailleurs je vais me guérir bien vite. Je le veux, ne fut-ce que pour avoir le droit de te faire enrager plus longtemps. Cher petit homme, vous voyez bien que je ris et que petit Juju vit encore.

BnF, Mss, NAF 16371, f. 147-148
Transcription de Bénédicte Duthion assistée de Florence Naugrette

Notes

[1Mot forgé sur podagre, personne atteinte de la goutte.

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