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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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15 juin 1852

Bruxelles, 15 juin 1852, mardi matin, 8 h.

Bonjour, mon petit homme, bonjour gagneur de fiches [1], voleur de cœurs, bonjour fripon, bonjour filou, bonjour et VIVE L’AMOUR….quand vous n’y trichez pas. Mais pour que j’y voie moins clair, vous vous arrangez de façon à ce que je ne sois jamais seule avec vous pour que je ne puisse pas vous demander d’explication et vous mettre au pied de mon MUR. Mais je ne suis pas la dupe de votre manège et je sais ce que veut dire tout ce que vous ne faites pas. Je consens à ne pas vous demander d’explication jusqu’à ce que notre livre soit fini mais, après, c’est CARTE SUR TABLE que j’exigerai ma revanche à tous les jeux. Jusque-là je PASSE, hélas et je reste derrière mon rideau attendant un rayon de soleil qui ne vient pas et un Toto qui se fait trop attendre. Taisez-vous ! Vous avez toujours du temps pour les femmes qui travaillent à votre PURIFICATION et encore plus pour celles qui coopèrent à votre damnation, mais vous n’avez pas une minute pour moi. C’est tout simple. Mais patience le jour de la vengeance arrivera et alors gare à vous. D’ici là, mettez bien votre temps et votre adresse à profit et empochez toutes les [fiches  ?], tous les soins, tous les baisers, toutes les tendresses de mon escarcelle et de mon cœur. Je vous le permets et tâchez de venir un peu plus tôt aujourd’hui qu’hier, si vous pouvez. Je vous attends, je vous aime, je vous adore.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16371, f. 133-134
Transcription de Bénédicte Duthion assistée de Florence Naugrette


Bruxelles, 15 juin 1852, mardi après-midi, 1 h.

Nous ne sommes encore qu’à une heure de l’après-midi et pourtant je suis impatiente et triste de ton absence autant que si je t’avais attendu toute la journée. Cela tient à ce que je t’aime trop, mon Victor. Je me rends bien compte de cela, mais en même temps il m’est impossible de t’aimer moins. Tâche de venir le plus tôt que tu pourras pour que mes yeux se remplissent de joie et mon âme de bonheur. Je ne te demanderai pas de me faire sortir bien que le temps paraisse un peu ressuyéa et qu’il y ait plus de huit jours que je n’ai mis le pied dans la rue. Je te demande d’être avec toi à côté de toi le plus près possible et le plus longtemps possible dans n’importe quelle condition. Je t’avais fait demander si tu voulais ton chapeau. Il paraît que tu préfères le prendre chez moi et je suis de ton avis. Ce sera toujours autant de bosses de moins que la maladresse de Suzanne n’aurait pas manqué de lui faire. J’espère que tu en seras content car il me semble très bien arrangé. Je n’ai pas pensé à m’informer à M. Luthereau s’il était sûr que son cordonnier serait exact aujourd’hui. Il est si soucieux et si embarrassé pour ses affaires que c’est à grand peine s’il répond aux questions qu’on lui fait. Cela n’empêche qu’il m’ait remis une lettre d’invitation pour toi pour assister à un cours de je ne sais qui sur je ne sais quoi. Quant à moi, je vais me dépêcher de finir ma copie pour t’en demander de la nouvelle tout à l’heure. A bientôt mon Victor, je t’aime de toute mon âme, je t’attends de toutes mes forces et je te baise de tout mon cœur. Je te supplie de venir bien vite car j’ai bien soif de toi.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16371, f. 135-136
Transcription de Bénédicte Duthion assistée de Florence Naugrette

a) « ressuyer ».

Notes

[1Allusion aux fiches de baccarat, jeu auquel ils s’adonnent avec leurs amis, et auquel Juliette s’amuse à reconnaître que Hugo est chanceux.

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