Paris, 11 octobre 1881, mardi matin, 8 h.
Cher bien-aimé, je te donne à nouveau, ici, mon bonjour le plus tendre et le plus attristé, par la lettre de mon cher neveu [1] qui me dit que sa pauvre mère [2] va de mal en pis par sa résistance à se laisser traiter et soigner. Il me prie de lui écrire pour l’engager à obéir au médecin tout de suite car à son âge, 82 ans, les imprudences prolongées se paient presque toujours de la vie. Le pauvre garçon paraît croire à mon influence sur sa mère, aussi, n’est-ce pas par une lettre que je veux essayer de la persuasion mais par des paroles tendres et convaincantes. J’espère que tu voudras bien me conduire quelques instants auprès d’elle tout de suite après le déjeuner, autant par devoir fraternel que par pitié pour les inquiétudes navrantes de son pauvre fils. Je t’en serai personnellement reconnaissante.
Parmi les nombreuses lettres venues ce matin, il en est une particulièrement intéressante d’Amaury de Lacretelle qui est au Chili depuis un an. Je ne sais pas si je me trompe, mais je crois qu’elle ferait un bon effet dans Le Rappel. Au reste, tu la liras et tu l’apprécierasa comme elle le mérite. En attendant, le Ministre de la Justice [3] t’écrit qu’il est désolé de ne pouvoir accorder ce que tu lui demandesb et il t’en donne la raison qui est celle de l’indignité incorrigible de ton protégé. Moi aussi je suis incorrigible dans mon amour pour toi mais je m’en fiche au nez et à la barbe de toute la justice et de ses très peu augustes représentants.
[Adresse]
Monsieur Victor Hugo
BnF, Mss, NAF 16402, f. 227
Transcription de Caroline Lucas assistée de Florence Naugrette
a) « appréciera ».
b) « demande ».