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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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Paris, 12 juillet 1881, mardi matin, 7 h.

Cher bien-aimé, puisses-tua avoir passé une aussi bonne nuit que la mienne qui a été excellente.
Cette satisfaction du corps ne m’empêche pas de penser à notre pauvre ami Paul de Saint-Victor dont le service se fera aujourd’hui à l’église Saint-Germain-des-Prés à midi [1].
Quelle douleur pour sa pauvre jeune fille et quel deuil pour ses amis !
J’espère que la pauvre enfant trouvera quelque adoucissement à sa peine dans l’hommage si sympathique et si tendre que tu rends à la mémoire de son père [2] ; et que, l’âme elle-même de ce père, si digne d’être regrettée, te bénira d’avoir consolé son enfant en immortalisantb à jamais parmi les hommes le souvenir de son père. Merci en son nom et au mien et sois béni par Dieu comme tu l’es par nous tous qui vivons de ta pensée et dans ta pensée.
Tu m’avais promis de mettre ma restitus d’avant-hier sous tes yeux sur la cheminée mais je ne l’y ai pas vuec ce matin et j’en suis très ennuyéed parce que rien ne me coûte plus que de te parler argent. D’abord parce que j’y suis très maladroite ; ensuite parce que ma susceptibilité naturelle s’y blesse presque toujours. Il faudra bien, pourtant, dans le cas où tu ne retrouverais pas ce pauvre gribouillis, que je prenne mon courage à deux mains pour le recommencer. Cette perspective suffit pour me rendre presque fiévreuse.
Entre-temps, comme on dit à Bruxelles en Brabante, je te fais remarquer que je te rends en double la restitus d’hier avec celle d’aujourd’hui [3]. J’espère que cette exactitude à payer mes dettes de cœur te porteraf à l’indulgence pour mon dernier méfait et que tu tiendras compte de mon recours en grâce en l’honneur du 14 juillet, anniversaire de la prise de la Bastille, et en l’honneur, surtout, du Grand Saint-Victor dont la fête se fait au ciel et sur terre le 21 juillet. Puisse ma confiance en ces deux grands anniversaires n’être pas déçue.
En attendant je fais une partie de l’intérim de Célanie [4] que la pauvre Virginie ne peut pas faire entier à elle seule. Heureusement que laditeg Célanie revient demain, ce qui nous rend le dernier coup de collier un peu moins pénible. Cher adoré, j’allais oublier de te dire qu’il y a séance publique à deux heures au Sénat aujourd’hui.
Mais ce que je n’oublie pas et ce que je n’oublierai jamais c’est que je t’aime de toute mon âme.

[Adresse]
Monsieur Victor Hugo

BnF, Mss, NAF 16402, f. 154-155
Transcription de Caroline Lucas assistée de Florence Naugrette

a) « puisse-tu ».
b) Juliette écrit « immorta- » en bout de ligne et oublie d’écrire « lisant » au début de la page suivante.
c) « vu ».
d) « ennuiée ».
e) « Braban ».
f) « porteront ».
g) « la dite ».

Notes

[1Hugo note dans son carnet le 9 juillet : « Saint-Victor est mort. Coup violent. J’ai pleuré. ».

[2Victor Hugo a chargé Paul Dalloz de lire un message de sa part lors des obsèques (Actes et paroles IV).

[3Juliette n’a pas écrit à Hugo la veille.

[4Le 9 juillet, Juliette écrit avoir accordé à Célanie son congé annuel de trois jours.

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