Paris, 22 janvier 1881, samedi matin, 9 h.
Ça n’est pas pour dire, mon grand bien-aimé, mais il fait un temps de toutes les Russies qui vous congèle des pieds à la tête ce matin, malgré un soleil splendide. Les chevaux d’omnibus fument comme des locomotives sans pouvoir avancer et les passants tapent des pieds et se frappent la poitrine à tour de bras comme des fous furieux, pendant que moi je tâche de tenir ma plume en équilibre sur mon papier glacé. Ma pensée et elle patinent dessus au risque de s’épater lourdement à tes pieds. Ma foi tant pis !
Autre guitare, le Sénat ne se réunira que mardi dans ses bureaux sans séance publique. Tu pourras, si tu le veux, t’abstenir d’y aller, j’ai dit.
Tu pourrais, aussi, profiter de cette belle journée pour prendre connaissance des lettres et des suppliques qui t’ont été particulièrement adressées depuis quinze jours et dont plusieurs méritent une réponse immédiate. Ce serait autant de fait pour demain. Je te recommande encore la Brochure d’Ulbach, conférence faiteb par lui sur toi tout dernièrement [1]. Et puis je te recommande surtout de m’aimer autant que je t’aime, c’est-à-dire de tout ton cœur.
[Adresse]
Monsieur Victor Hugo
BnF, Mss, NAF 16402, f. 9
Transcription de Caroline Lucas assistée de Florence Naugrette
a) « persiste ».
b) « faites ».