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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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14 mai 1839

14 mai [1839], mardi matin, 11 h. ½

Bonjour mon cher petit bien-aimé, bonjour mon adoré, m’aimes-tu ? Il paraît que l’émeute s’est en allée en fumée car il n’en est plus question, à ce que dit la bonne qui en faisant ses provisions ce matin a aussi fait provision de nouvelles. Je n’en suis pas fâchée à cause de vous, petit bêtaa, qui fourrez votre nez partout où il ne le faut pas. J’ai été assez malade toute la nuit, mais depuis que je suis levée je me sens toute gaillarde et prête à vous tenir tête à pied et à cheval et AILLEURS……. !!!b Nous nous étions trop hâtés de nous réjouir et de croire au soleil et à ses rayons : voici un temps qui nous renfonce à cent pieds dans l’hiver, dans la pluie, dans la boue et dans le froid. Quant à moi, j’ouvre moins que jamais ma cheminée, tant pis pour ceux qui auront froid chez moi. D’ailleurs l’ouverture de ma cheminée faite il faudrait ouvrir le chantier et je n’en ai pas la clef. Je vous engage donc à remettre tous vos paletots les uns sur les autres ET MOI-MÊME par-dessus eux pour vous tenir chaud. Baisez-moi, aimez-moi, c’est très chaud et très doux et remplacera avec avantage tous les édredons du monde.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16338, f. 163-164
Transcription de Madeleine Liszewski assistée de Florence Naugrette

a) « bétat ».
b) Les points et points d’exclamation courent jusqu’à la fin de la ligne.


14 mai [1839], mardi soir, 9 h. ¼

Je vous vois peu, mon adoré, et les quelques instants que vous passez chez moi vous les employez à faire votre correspondance ou à écrire des élucubrations que je n’ai même pasa la permission de lire. Je ressemble à ce pauvre chien qui porte au cou le dîner de son maître. Enfin vous faites tout votre possible pour que j’aie toutes les tentations de l’amour et tous les fumets du bonheur sans en recueillirb aucune parcelle nourrissante pour le cœur ni pour l’esprit. Je suis furieuse. Si vous croyez. Je ne vous aime plus ou plutôt je vous aime davantage, c’est ce qui fait ma colère. Je vais me déshabiller et me coucher, c’est ce que j’ai de mieux à faire, à moins que je ne fasse la guerre à mes voisins BARBUS et à vos dépensc. Pouah ! Cela ne vaut même pas la peine d’en rire. La petite Besancenot prétend qu’on ne peut pas me déchiffrer, elle prétend que j’écris du latin, c’est bien plus difficile que ça, ma foi, j’écris de l’amour, CHOSE INTRADUISIBLE dans aucune langue ni dans aucun patois. Je vous aime, je vous aime. Toto, vous êtes un vieux bêtad de ne pas me le rendre.

BnF, Mss, NAF 16338, f. 165-166
Transcription de Madeleine Liszewski assistée de Florence Naugrette

a) « même pas même ».
b) « receuillir ».
c) « dépends ».
d) « bétat ».

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