21 décembre 1879

Paris, 21 déc[embre] [18]79, dimanche matin, 8 h. ½

Bravo ! Brava ! Bravi ! Tu as bien dormi ! Moi, aussi ! Vive la République et son auguste famille ! Vive toi ! Vive, moi ! Vive, nous !!! Et les autres, s’il en reste. Quant au temps, c’est le nec plus ultra du Spitzberg [1] ; les rares passants qui se hasardent dans nos régions semblent des loups et des ours errants dans ces steppes glacées et givrées et blanches^a comme un linceul. Ah ! le bonhomme hiver^b peut se flatter qu’on lui rend les honneurs qui lui sont dus. Fichtre ! Quel luxe de frimas^c [2] ! Il y en a pour tout le monde ! Heureusement que Dieu est toujours là et qu’il va ficher à la porte de son ciel cette vieille canaille d’usurpateur avec tous ses féroces courtisans. En attendant prenons patience en songeant qu’à partir de demain les jours se remettront en marche vers la lumière et le soleil. C’est toujours ça de gagné. Maintenant, que nous avons cette certitude, il va falloir, mon grand petit homme, que tu répondes absolument à M^me Chenay et à beaucoup d’autres encore si tu ne veux pas étonner et contrister les personnes qui ont droit à ta considération et à ta bonté. Je ne pense pas que Lesclide vienne aujourd’hui mais je m’offre à le remplacer pour la lecture des lettres et pour les adresses à mettre aux réponses. Enfin, mon cher petit homme, je ne demande pas mieux que d’être la cinquième roue de ton carrosse car je t’adore.

[Adresse]
Monsieur Victor Hugo

BnF, Mss, NAF 16400, f. 310
Transcription d’Apolline Ponthieux assistée de Florence Naugrette

a) « blanche ».
b) « hivert ».
c) « frimats ».