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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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8 avril 1839

8 avril [1839], lundi, midi ¼

Bonjour, mon petit homme chéri, bonjour, vous. Ni ma personne, ni mes caresses, ni mes ŒUFS farcis ne vous tentent ? Eh ! bien, restez, vieux vilain, on s’en passera, de vous, pardié. Vous y perdrez plus que vous ne croyez. L’amour, c’est comme le lilas, il faut en cueillir les branches fleuries si on veut que l’arbre rapporte des fleurs l’année d’ensuite. Au reste, ma comparaison est parfaitement vicieuse, car depuis le temps que vous ne cueillez rien du tout sur mon arbre, il devrait n’être plus qu’un vieux chicot tout sec, tandis que je le sens chargé à rompre, des espérances les plus vertes et de baisers les plus roses et les plus parfumés. Je vous aime, Toto. Je t’aime, mon cher petit bien-aimé. Jour papa. Votre perruche vous donne son petit vec à travers les barreaux de sa cage sans vous mordre, vu la distance et la civilisation. Dites donc, mon petit homme, s’il n’y pas d’émeutes ce soir, et si vous travaillez [loin  ?] de chez vous, voudrez-vous me faire sortir et me mener chez la mère Pierceau ? Mais surtout je ne veux pas que cela vous dérange. Voici d’ailleurs le temps qui se gâte. Ainsi je reste chez moi, d’ailleurs il fait très froid et j’ai mal à la tête. Vous voilà très content, vieux sournois, vous êtes sûr que je resterai dans mon SABOT. Baisez-moi, aimez-moi, pensez à moi et venez le plus tôta possible car j’ai le plus grand besoin de vous voir.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16338, f. 27-28
Transcription de Madeleine Liszewski assistée de Florence Naugrette

a) « plutôt ».


8 avril [1839], lundi soir, 7 h. ½

Bonsoir, rhinocéros, bonsoir tigre royal, avez-vous toujours l’air grognon quand par hasard vous venez chez moi ? C’est pour me récompenser de mon courage et de ma patience, n’est-ce pas ? Enfin, vous avez raison d’être ainsi puisque c’est comme ça que je vous aime et pas autrement. J’ai toujours avec vous l’attitude d’une petite fille à qui on va donner le fouet. En vérité, quand je pense à ce que j’étais autrefois et à ce que je suis maintenant, je ne me reconnais plus. Est-ce un bien ? Je ne sais, car il est évident que cette crainte paralyse chez moi bien des tendresses et bien de l’amour qui s’arrête dans ma gorge pendant que mes lèvres bredouillent des explications. Au reste, puisque tu m’aimes mieux comme cela qu’autrement, je n’ai pas le droit de me plaindre car mon plus cher désir est de te plaire. Quand tu pourras me faire sortir sans déranger l’ordre de ton travail, de tes idées et de tes lubies, je suis à tes ordres car j’ai bien mal à la tête et bien besoin d’exercice. Soir pa, soir To, vous êtes bien i et moi aussi, à nous deux nous faisons la pairea, mais nous ne ferons jamais que ça si vous continuez le régime pénitentiaire et ennuyeuxb que [vous] nous imposez depuis six mois. Je vous aime Toto, tâchez de me le rendre un peu.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16338, f. 29-30
Transcription de Madeleine Liszewski assistée de Florence Naugrette
[Souchon, Massin]

a) « pair ».
b) « ennuieux ».

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