18 août 1881

Paris, 18 août 1881, jeudi matin, 11 h. ½

Cher bien-aimé, je crains pour toi que le pli ne soit tout à fait pris de ton sommeil de jour et d’insomnie la nuit. Il faudrait, pour en revenir aux vrais errements, de dormir la nuit et de veiller le jour, rompre en visière avec des habitudes déjà trop vieilles pour être vaincues de haute lutte. À cela près, ce qui est beaucoup, tu te portes heureusement très bien. Il serait à désirer qu’il en fût ainsi pour la pauvre M^me Lockroy dont le bobo s’éternise, en crises intermittentes d’achalasies [1] et de souffrances atroces.
Au moment où je t’écris ceci, arrive de Lyon un télégramme signé Tony Loup, conseiller municipal adjoint rue Boileau, Lyon = Marc Guyaz, qui te demande de démentir tout de suite les calomnies sur Bonnet-Duverdier [2]. (Réponse payée) En dehors de ce télégramme, il s’est passé hier à la réunion où Lockroy devait parler une violente bagarre^a où les cannes plombées et les couteaux ont fait (merveille) ! Un des amis de Lockroy a reçu un coup de couteau dans le ventre et quant à lui, Lockroy, c’est à grand-peine que quatre citoyens l’ont tiré du danger qui le menaçait. Il paraît que Rochefort et Pelletan dirigent les bandes enragées. Si cela est vrai, c’est bien malheureux pour la France et pour la République ; mais j’espère qu’il y a exagération. Ce qui est vrai de tout temps en toute circonstance, c’est mon amour pour toi.

[Adresse]
Monsieur Victor Hugo

BnF, Mss, NAF 16402, f. 191
Transcription de Caroline Lucas assistée de Florence Naugrette

a) « bagare ».