28 novembre [1841], dimanche, midi ½
Bonjour toi, bonjour vous que la pudeur me défend de nommer. Je vais envoyer chercher votre canne immédiatement pour vous en caresser les épaules, laquelle volée vous n’aurez pas voléea par parenthèse. En attendant, SOURIS-MOI.
Le sieur Jacquot est sur mon lit occupé à déchiqueter une plume, à tremper ses griffes dans l’encre, maintenant le voilà qui veut ronger mon buvard et les papiers. Ah mais minute, je m’y oppose et je lui flanque des coups de plume sur son bec. D’ailleurs, ce sera un prélude à la danse que je veux vous donner tantôt, monstre d’homme.
J’ai trouvé dans mon dossier une feuille écrite de votre préface, je l’ai lueb comme c’était mon devoir et MON DROIT [1]. Je ne l’ai pas copiéec parce qu’il y a des transpositions et des intercalationsd qui ont besoin d’être expliquées. Tout cela n’empêche pas que vous ne soyez un monstre d’homme et que je n’éprouve le BESOIN de vous flanquer une pile Sterling plus souvent que je vous ferai vos images. Tant que vous ne serez pas venu, vous ne les aureze pas [2]. Ceci est un parti pris. À l’empressement que vous mettrez, je jugerai de l’importance que vous attachez à la possession de mes chefs-d’œuvref. Ceci sera uneg fameuse pierre de touche, ia ia monsire matame, il est son sarme. Baisez-moi, vilain scélérat, et tâchez de réparer tous vos crimes en venant bien vite.
Juliette
BnF, Mss, NAF 16347, f. 153-154
Transcription de Gwenaëlle Sifferlen assistée de Florence Naugrette
a) « volé ».
b) « lu ».
c) « copié ».
d) « intercallations ».
e) « aures ».
f) « chefs-d’œuvres ».
g) « une une ».
28 novembre [1841], dimanche après-midi, 2 h.
Je vous écris à l’avance, mon amour, dans le cas où mes péronnelles viendraient [3]. Je viens d’envoyer chercher vos provisions chez Lambin, je vais faire votre tisanea et puis je me débarbouillerai et je m’habillerai après. Le Jacquot est dans la salle à manger comme un péteux tout seul. Il est toujours fort excentriqueb et passablement féroce, il nous a fait un tas de grimaces tout à l’heure plus drôles les unes que les autres. Cet animal ne peut pas souffrir les mouches et se livre contre elles à des colères grotesques. Mais tout cela ne m’empêche pas d’être furieuse contre vous et de préparer une trique pour vous en frotter le dos et autre lieu circonvoisin.
Je m’enrhume toujours, ce qui ne me fait pas rire et je vous aime quoique vous ne le méritiez pas, ce qui me fait bisquer. Baisez-moi, méchant homme, et ne vous livrez pas aux toupies [4] et aux GUINCHES [5] comme vous le faites habituellement. Ne vous faites pas désirer trop longtemps et je vous pardonnerai la moitié de vos forfaits. Baisez-moi encore, baisez-moi toujours et mieur que ça ou bien je me ferai baiser par Jacquot. Baisez-moi encore, pensez à moi, aimez-moi et venez tout de suite.
Juliette
BnF, Mss, NAF 16347, f. 155-156
Transcription de Gwenaëlle Sifferlen assistée de Florence Naugrette
a) « tisanne ».
b) « exentrique ».