20 mai [1841], jeudi matin, 10 h. ¼
Bonjour, mon Toto bien-aimé, bonjour, mon adoré petit homme, bonjour, mon cher petit bien-aimé. Je viens d’envoyer à l’instant même Suzanne payer Mlle Paquementa afin que l’argent ne s’en aille pas par un autre côté [1]. Je voudrais que Jourdain envoyât aussi aujourd’hui afin de n’avoir plus à penser à tout ce monde-là [2].
Vous êtes donc décidément le plus heureux des Picardet [3] ? Tant mieux, j’en suis bien aise. ON AIME À VOIR HEUREUX CEUX QU’ON AIMEb, parole de Laurence Charlotte Krafft, style Monsieur Eugène Sue. Maintenant il vous reste à me présenter à la Picardette [4] afin que je juge en connaissance de cause de l’étendue de votre bonheur et de l’immensité de votre bonne fortune, ia, ia monsire Bigartet.
À propos je suis joliment bête de vous avoir dit mon piège, une autre fois j’aurai plus de patience et la langue moins longue et je vous prendrai dans quelque effroyable traquenard [5].
Comment trouvez-vous mon illustration d’hier [6] ? Un peu ficeléec n’est-ce pas ? Je vous en ferai comme ça à tire-larigotd et je vous aime de toute mon âme par-dessus le marché.
Juliette
BnF, Mss, NAF 16345, f. 167-168
Transcription de Gwenaëlle Sifferlen assistée de Florence Naugrette
a) « Pacquement ».
b) « AIMENT ».
c) « ficellée ».
d) « tirelarigo ».
20 mai [1841], jeudi soir, 9 h. ½
Je viens de dîner, mon cher bien-aimé, après avoir travaillé jusqu’à la nuit et même après la nuit, attendu que Suzanne m’a tenu une bougie allumée pendant plus d’un quart d’heure pour finir mon dernier rideau [7].
Je voudrais bien, mon amour, que tu viennes cette nuit m’apporter mon bouquet de fête en NATURE [8], cela ne te dérangerait pas beaucoup et cela me porterait bonheur pour tout le reste de l’année. Tâche de venir, mon Toto chéri, tu me combleras de joie.
Je n’ai pas regardé ce que vous avez déposé dans mon buvard, je n’ose même pas faire de conjecture dessus mais je serais bien agréablement ATTRAPÉEa si ces deux feuilles de papier manuscrites étaient pour moi [9]. Hélas ! peu probable, aussi je ne m’arrête pas à cette idée-là pour ne pas me faire un immense chagrin demain. Jour Toto, jour mon petit o, jour mon petit Picardet. À propos de Picardet, où en êtes-vous tous les deux aujourd’hui vis-à-vis l’un l’autre ? J’allais dire l’un SUR l’autre. Ia ia, DRÈS INTÉSCENTb, je me suis arrêtée à temps. Je vous aime vous.
Juliette
BnF, Mss, NAF 16345, f. 169-170
Transcription de Gwenaëlle Sifferlen assistée de Florence Naugrette
a) « ATTRAPPÉE ».
b) « INTÉSENT ».