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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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3 mai 1841

3 mai [1841], lundi matin, 10 h. ½

Bonjour cher adoré bien-aimé. Bonjour toi que j’aime de toutes mes forces et de toute mon âme. Bonjour, bonjour, je t’aime.
Je suis levée depuis très longtemps mais tous mes triquemaques le matin me tiennent un bon bout de temps pendant lequela je ne peux pas t’écrire. J’ai encore le linge de la blanchisseuse à apprêter tout à l’heure et aussi à écrire à ma marchande de modes car décidément je ne peux pas continuer à sortir par 28 degrésb de chaleur [1] avec un chapeau de veloursc. Vraiment, mon pauvre adoré, quels que soientd mon courage et ma résignation il faut absolument que je te demande une robe d’été, il m’est impossible de continuer à sortir avec mes deux robes doublées. D’ailleurs, ce serait une médiocre économie car une journée de transpiration les abîmee et les use plus qu’un mois de pluie et de mauvais temps. Ceci n’est pas une exagération et puis si tu ne peux pas je m’en passerai et avec joie encore. Voilà mon ultimatum, si cela ne vous convient pas j’en suis fâchée mais baisez-moi, je vous adore ! Baisez-moi encore encore.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16345, f. 117-118
Transcription de Gwenaëlle Sifferlen assistée de Florence Naugrette

a) « lesquels ».
b) « degré ».
c) « velour ».
d) « quelque soit ».
e) « abîmes ».


3 mai [1841], lundi soir, 9 h. ½

J’espère, mon cher lion, que vous n’avez pas reçu toute l’eau de tout à l’heure sur votre bel habit de marquis qui vous va si bien ? Ce serait vraiment jouer de malheur. D’ailleurs, ça n’est pas vendredi et puis nous l’avons acheté ensemble et puis il vous habille à ravir, trois choses qui doivent le garantir du feu, de l’eau et de la graisse. C’est trois fléaux des beaux habits. Moi je suis à l’abri, j’ai donné audience à la mère Laporte, assez longuement même puisqu’il s’agissait du costume de la NÉOPHYTE [2]. Ia ia il est son sarme, la coquetterie lui tient aussi joliment au cœur. Elle est de votre école, il n’y a que moi de bonasse et de Cendrillon dans toute la famille. Bref après la séance nous avons dîné, j’ai rangé mes affaires et je t’écris comme une dératée auparavant de me coucher. Les pieds me font si mal que je ne pourrais pas rester levéea. Je vous aime, mon soleil, je ne vous regarde plus qu’avec une ombrelle dans la crainte que vous ne me donniez des coups sur mon nez après m’en avoir donné sur la raison, sur le cœur et sur l’âme. Je vous aime.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16345, f. 119-120
Transcription de Gwenaëlle Sifferlen assistée de Florence Naugrette

a) « lever ».

Notes

[1Eugénie de Guérin, dans une lettre à son frère M. de Guérin du 29 avril 1841, mentionne elle aussi qu’il fait « 28 degrés de chaleur, c’est extravagant pour Paris, au 1er mai ». 

[2Mme Laporte est la couturière qui réalise la toilette de Claire pour sa première communion, prévue le jeudi 27 mai vers 8 h. L’ensemble coûtera 72 F.

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