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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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22 mars 1838

22 mars [1838], jeudi matin, 11 h.

Bonjour mon cher bien-aimé, bonjour mon adoré, tu as été bien bon cette nuit, tu n’as pas voulu me laisser dans le chagrin et tu as bien fait mon adoré car lorsque je me mêle d’en avoir, ce n’est pas pour peu. Je te remercie du fond de l’âme pour le bon mouvement que tu as eu en me prenant dans tes bras. J’avais besoin de cette démonstration de tendresse après les choses tristes que tu m’avais laisséa entrevoir.
Si jamais le mieux a été l’ennemi du bien, c’est surtout en amour. À force de vouloir perfectionner et renchérir sur mes joies et mon bonheur, j’ai trouvé le moyen cette nuit de te paraître ingrate, oublieuse et avide, et cela dans le moment où je faisais des reliques de toutes les charmantes choses que tu m’as données. Je m’en veux de t’aimer autant puisque cet excès d’amour n’est pas seulement inutile à notre bonheur mais encore le fait souffrir et l’obsède. Je t’aime trop, mon bien-aimé, pardonne-moi, et surtout ne me crois pas oublieuse ni ingrate si tu ne veux pas me mettre au désespoir.
Je suis encore dans mon lit un peu souffrante. J’espère cependant que je parviendrai à secouer toutes les vilaines brumes qui me cachent mon bonheur et ma joie, et que je serai radieuse ce soir à Ma Marion. En attendant je vais bien ne penser qu’à toi, penser à ta ravissante bonté, à ta noble et belle figure qui laisse voir ton âme plus belle encore. Je tâcherai d’ici à ce que je te voie d’être gaie pour cette pauvre Claire qui n’est rien moins que très malencontreuse chaque fois qu’elle vient.
Jour, mon cher petit homme adoré, comment vont tes yeux ? J’y pense sans cesse mon bien-aimé et toujours avec amour et pitié. Je voudrais donner ma vie et ce serait avec joie pour t’empêcher de travailler toutes les nuits. Hélas ! Ça n’est pas possible et pourtant je t’adore. Voici l’admirable petite fontaine, je l’ai payée et fait demander un reçu, le commissionnaire voulait qu’on lui payâtb sa commission mais je n’y ai pas consenti, tu sais que tout le contraire était convenu avec le marchand. À tantôt, mon Victor, je t’aime.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16333, f. 174
Transcription d’Armelle Baty assistée de Gérard Pouchain

a) « laissée ».
b) « paya ».

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