Université de Rouen
Cérédi - Centre d'étude et de recherche Editer-Interpréter
IRIHS - Institut de Rechercher Interdisciplinaire Homme Société
Université Paris-Sorbonne
CELLF
Obvil

Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

Accueil > Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo > 1836 > Août > 24

24 août [1836], mercredi matin, 9 h. ½

Bonjour mon cher bien-aimé. Je suis très furieuse contre le conte que vous m’avez fait hier d’un rendez-vous avec M. B. de [illis.] [1] tandis que vous alliez à Fourqueux [2] tout bonnement. Vous m’avez fait souper à 11 h. mais le pire c’est que vous m’avez fait dépenser de l’argent inutilement. Je suis très très en colère. Je vous aime très très fort et voilà.
J’ai reçu hier au soir une lettre de Mme Pierceau qui me prie d’envoyer chercher ma robe. Comme vous n’êtes pas à Paris aujourd’hui je vais en profiter pour faire faire cette course.
J’ai été très triste toute la nuit. Je n’ai presque pas dormia et mon souper m’a servi de cauchemar. Je ne vous attends pas avant ce soir en supposant que vous veniez ce soir. Aussi je ne me donne pas la peine de me régayerb d’ici là. J’aime mieux être triste et mouzon, j’aime mieux ce chique-là.
Depuis hier je n’ai pas pu me procurer aucune gazette, c’est vous qui en êtes cause parce que vous avez gardéc la dernière trop longtemps. Je ne vous en aime pas moins pour cela mais je vous désire encore plus.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16327, f. 264-265
Transcription de Nicole Savy

a) « dormir ».
b) « régaier ».
c) « gardée ».


24 août [1836], mercredi soir, 6 h. ¼

Vous ne viendrez probablement pas aujourd’hui, mon cher bien-aimé, à moins que ce ne soit comme la dernière fois avant dans la nuit, ce qui me plairait plus que de pas vous voir du tout. Le temps est noir et triste comme mon humeur. Je suis seule chez moi parce que la bonne que j’ai envoyée chez Mme Pierceau et chez la blanchisseuse n’est pas encore revenue. J’ai travaillé toute la journée, je n’ai même pas pris le temps de lire les MONITEURS PARISIENS ! Je vais dîner fort tristement, me coucher de même et penser à vous en attendant mieux.
Avouez mon cher petit Toto que vous êtes un affreux menteur, car enfin vous pouviez bien aller à Fourqueux sans me faire le conte de Bernard [3]. Mais vous aimez à me faire enrager et vous y réussissez fort bien. Encore si vous me meniez voir la MER rien que huit jours cela me mettrait un peu de beurre dans ce que j’appelle mes épinards [4]. Mais vous n’êtes pas assez AMOUREUX pour faire une pareille équipée et je suis là moi en vous attendant, vous aimant, enrageant, pestant et vous adorant. C’est bien AGRÉABLE.
Bonsoir, dormez bien. VOUS ÊTES UNE BÊTE ET MOI AUSSI.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16327, f. 266-267
Transcription de Nicole Savy

Notes

[1La lettre suivante mentionne explicitement M. Bernard.

[2Cet été-là, Victor a loué une maison à Fourqueux, entre Saint-Germain-en-Laye et Marly-le-Roi, pour sa famille et ses amis. Il fait des allers et retours fréquents depuis la Place royale.

[3Rendez-vous d’affaire prétexté par Victor pour excuser son absence : voir la lettre précédente.

[4Juliette rappelle régulièrement le jeu de mots que lui a appris Victor, selon lequel les épinards sont le « légume préféré des femmes ».

SPIP | | Plan du site | Suivre la vie du site RSS 2.0
(c) 2018 - www.juliettedrouet.org - CÉRÉdI (EA 3229) - Université de Rouen
Tous droits réservés.
Logo Union Europeenne