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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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23 août [1836], mardi après-midi, 1 h. ½

Cher bien-aimé, je vous écris en vous attendant. Il est déjà 1 h. ½ et vous n’arrivez pas. 5 h. ½ du s. Je reprends ma lettre où je l’avais laissée à l’heure près. Me voici déshabillée et triste d’être seule chez moi, soit dit sans t’offenser. Je sais qu’il faut que tu travailles, je sais en outre que tu as un rendez-vous d’affaire, et je sais aussi que relativement à tout ce que tu as à faire tu me donnes beaucoup de temps. Malheureusement à moins de me donner ta vie tout entièrea sans en distraire une parcelle je trouverai toujours que ce n’est pas assez. Ainsi donc il faut te résigner à m’entendre toujours me plaindre du trop peu de temps que tu es avec moi.
Je suis doublement triste parce que je vois que le portrait n’a aucune ressemblance ou une si fâcheuse qu’en vérité cela ne vaut pas la peine que tu as prise ni celle que s’estb donnéec ce pauvre N [1]. C’est d’autant plus affligeant pour moi qu’il ne peut y avoir aucun remède à l’avenir puisque c’est la première et la dernière fois que tu consens à me donner une preuve de patience et d’abnégation. Je t’en remercie du fond de l’âme quoique la chose n’est pas réussie. J’en remercierai aussi ce pauvre N. qui y a mis toute la bonne volonté et toute la bonne grâce possible et je t’aimerai comme par le passé, de toute mon âme.

Juliette

BNF, Mss, NAF 16327, f. 260-261
Transcription de Nicole Savy

a) « toute entière ».
b) « c’est ».
c) « donné ».


23 août [1836], mardi soir, 5 h. ¾

Il m’est plus facile de ne m’occuper que de toi que de détourner ma pensée pour quoi quea ce soit chez moi. Il m’est plus agréable de t’écrire que d’occuper mon temps à des choses même nécessaires dans ma maison. C’est ce qui t’explique ce déluge de lettres en avalanches de tendresses qui t’enveloppent et t’écrasent tous les jours, heureusement que tu es robuste et que tu as un fameux moyen pour ne pas être atteint en ne me lisant pas. Je ne peux pas te dire que tu fais extrêmement bien, mais je peux te dire que tu ne fais pas très mal. Le plaisir pour moi c’est de t’écrire, le bonheur pour toi c’est d’ignorer le plus que tu peux cette manie. Tout est pour le mieux, nous faisons chacun de notre côté ce que nous ordonnent nos sentimentsb respectifs.
Mon cher bien-aimé, quand il vous plaira, quand vous vous sentirez le besoin de sustenterc votre corps, j’ai un poulet qui vous ouvre ses ailes ; des haricots qui vous tendent les bras et moi pour vous servir.
Je t’aime, pense à moi, plains-moi, ne me prends pas en grippe, soleil mon ami, et viens le plus tôt que tu pourras reluire à mon horizon. Je t’aime.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16327, f. 262-263
Transcription de Nicole Savy

a) « quoique ».
b) « sentimens », orthographe d’époque.
c) « substanter ».

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