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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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28 juillet [1836], jeudi après-midi, 2 h. ¼ [1]

Cher petit homme chéri je ne sais pas pourquoi je me figure cette fois-ci que je serai longtemps sans te voir, ce qui rembrunit un peu mon horizon. Je sens bien d’un autre côté le besoin où tu es de travailler, tout cela mêlé ensemble fait un effroyable margouillis [2] qui me rend le cœur très triste. Avec cela que je me souviens de mon atrocité d’hier soir, ce qui me rend encore moins geaie. C’est bien vrai mon pauvre petit ange que j’ai du remordsa de mon emportement féroce d’hier, et que je voudrais l’expier par beaucoup de baisers et par beaucoup de DOUCEUR. Pauvre petit bijou vous êtes si gentil et si doux que vous me faites honte de ma brutalité. Je me repens, je me repens et je ne le ferai plus jamais.
Dieu quelle chaleur, on étouffe. Si j’osais je ne garderais que mon CHAPEAU DE PAILLE et mes souliers pour tout vêtement. Mais je crains d’être trop séduisante dans ce négligé, ce qui fait que je me contenterai d’ôter ma chemise de flanelle.
Dites donc mon amour, si vous avez quelques velléitésb d’aller voir les lampions et le feu d’artifice [3] venez me chercher. Ce sera toujours un moment de plus où je serais avec vous. D’ici là je vous désire et je vous baise en pensée.

Juliette

BNF, Mss, NAF 16327, f. 192-193
Transcription de Nicole Savy

a) « remord ».
b) « velléitées ».


28 juillet [1836], jeudi soir, 7 h.

Comme je m’en étais doutéea mon pauvre cher bijou je ne t’ai pas revu aujourd’hui. Tu penses bien que ma remarque n’est pas faite dans une mauvaise intention. Seulement comme je ne peux pas me passer de te voir, je me plains chaque fois que cela m’arrive. Je crains que tu ne puisses pas venir de toute la soirée, et alors je ne sais pas ce que je deviendrai dans ce cas-là. Quoi qu’il arrive, tu peux être sûr que je t’aimerai de toute mon âme et que je ne cesserai pas de penser à toi.
Je n’ai presque rien à lire ce soir. Je ne veux pas envoyer au cabinet de lecture parce qu’il peut arriverb que tu sois assez bien avisé pour m’apporter ta chère petite personne toute chargée de livres et de journaux et qu’il est inutile à tout prendre de dépenser de l’argent en locations de livres quand on peut en avoir de quoi charger six cents chameaux.
Mon Dieu mon cher petit Toto que je vous baiserais et que je serais heureuse si vous veniez ce soir, ce serait une si douce surprise et j’y compte si peu et j’ai tant besoin de vous voir que ce serait charmant à vous de venir. En vous attendant je fais peu de choses utiles. Mais je vous aime comme tout le monde ensemble réuni.

Juliette

BNF, mss, NAF 16327, f. 190-191
Transcription de Nicole Savy

a) « douté ».
b) « arrivé ».

Notes

[1Lettre chronologiquement antérieure à la précédente dans le classement du manuscrit, qui les a inversées.

[2Néologisme expressif, pour désigner un insupportable mélange.

[3Le régime célèbre l’anniversaire de sa naissance, les Trois Glorieuses, les journées révolutionnaires des 27, 28 et 29 juillet 1830.

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