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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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30 janvier [1840], jeudi après-midi, 1 h. ¼

Bonjour mon Toto chéri, comment vas-tu, mon petit bien-aimé ? Je suis levée depuis un assez long temps mais les soins à donner à la maison m’occupent presque toute la matinée sans pour cela rien faire de bon. J’ai réussi à dépenser huit sous de crème pour savoir que tous les marchands étaient des voleurs et que : qui choisit prend le pire. Pour le pain nous ferons la comparaison demain mais il me paraît difficile que ce ne soit pas à notre avantage cette fois. L’épicier est venu ce matin ; sa note se montait à 56 F. et une fraction, je n’avais que 40 F., je les lui ai donnés en acompte. Du reste je suis sans un sou et je dois 4 F. 5 à la bonne. Il est vrai que j’ai là l’argent du blanchisseur qui n’est pas encore venu le chercher ni prendre le linge. Enfin, mon pauvre adoré, je suis très ennuyéea de t’obséder et de te tourmenter comme je le fais pour mes besoins personnels. Comment vas-tu mon Toto ? Je t’aime. Je suis toujours malingre et souffrante, peut-être me recoucherai-je cependant je tâcherai de lutter car je crois que la volonté de n’être pas malade est un remède presque toujours victorieux pour ceux qui ont le courage de l’employerb. Jour Toto, jour mon petit o. J’étais donc bien grognon hier ? Eh bien c’est ce qui vous trompe, je ne vous ai jamais plus aimé ni trouvé plus joli ; L’ÉVÉNEMENT L’A BIEN MONTRÉ. Pourquoi que vous n’êtes pas revenu, vieux scélérat ? Vous êtes une bête et je vous aime de toute mon âme.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16341, f. 108-109
Transcription de Chantal Brière

a) « ennuiée ».
b) « l’emploier ».


30 janvier [1840], jeudi soir, 5 h. ¾

Je vais prendre un bain, mon adoré, peut-être cela me fera-t-il du bien. Dans tous les cas la propreté n’y perdra pas et c’est déjà beaucoup. Vous n’avez guère de mémoire, mon bon petit homme, mais soyez sûr que je suis incapable de vous trahir et de vous tromper pour quoi que ce soit ; ceci une fois posé ne me tourmentez plus et laissez-moi vous aimer en paix. Après cela si vous aimez mieux me faire enrager vous le pouvez et je m’y soumets de bonne grâce.
Savez-vous ce qui ferait bien sur ma petite console ? Ce serait une MADONE chinoise dans le genre de celle que nous avons vue, rue Basse, sur le boulevard. D’y penser ça m’en fait venir l’eau à la bouche c’est dommage que l’argent ne vienne pas avec la même facilité à la poche. Du reste j’aime mieux me passer toute ma vie de toutes les chinoiseries du monde et avoir beaucoup de CULOTTES. Depuis que je vous aime j’ai changé mon goût pour les robes en passion pour VOS CULOTTES, mais ma passion, comme toutes les passions, est des plus malheureuses et c’est tout au plus si j’en attrapea quelques petits lambeaux par ci par là. Cela ne m’empêche pas de vous adorer mais cela m’empêche souvent d’être très GEAIE. Je vous aime mon Toto. Je vous adore mon petit homme.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16341, f. 110-111
Transcription de Chantal Brière

a) « attrappe ».

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