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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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19 janvier [1840], dimanche après-midi, 1 h. ¾

Bonjour mon Toto chéri, bonjour mon adoré. Je ne finis jamais le matin, j’ai toujours trente-six chiens à fouetter cependant je ne me suis pas levée trop tard pour une femme qui a éteint sa lampe à trois heures du matin. Je te prie de remarquer que tu t’en es allé à 2 h. ½. Mais le ménage, mais la servante à redresser, ta tisanea, mais mon débarbouillage, tout cela prend du temps et je n’en finis pas. J’ai écrit tout à l’heure au bottier de venir chercher son argent mercredi prochain dans l’après-midi.
Je ne sais pas si Mme Pierceau viendra aujourd’hui, il fait bien vilain et bien mauvais temps et la moindre chose l’effraye. Au reste je m’y résigne d’avance et je ne t’en parlerai même pas. Je voudrais que tu m’apportassesb à copier si ce n’est pas trop exiger de toi. Enfin je voudrais que tu m’aimassesc un peu d’amour au risque d’empiéter sur le dévouement et sur la générosité sublime. J’aime mieux une heure dans tes bras que tous les écrits que tu m’apportes et pour lesquels tu passes toutes tes nuits. Je sais bien que tu n’es pas de mon avis et que je m’expose à de rudes coups de boutoir pour cette profession de foi mais je ne peux pas m’en empêcher. En attendant je t’aime, je te désire, je suis triste et je me donnerais volontiers au diable qui ne se soucie pas plus de moi que toi. Baise-moi, de si loin ça n’est pas fatigantd et doit te convenir. Bonjour Toto, je vous aime de tout mon cœur.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16341, f. 70-71
Transcription de Chantal Brière

a) « tisanne ».
b) « apportasse ».
c) « aimasse ».
d) « fatiguant ».


19 janvier [1840], dimanche soir, 5 h. ¼

Je suis parfaitement seule, mon adoré, si je ne commence pas à copier ce soir du moins lirai-je tout le manuscrit, ce qui me fera déjà une bonne avance. Je ne veux que mêler les deux albums ensemble [1] et il est trop tard pour envoyer chercher du papier à cause du dimanche. Je t’aime mon Toto chéri, je t’aime. Mets-toi bien ça dans ton petit cœur et aies l’honnêteté de me rendre un œuf pour un bœuf, c’est tout ce que je te demande, ce n’est pas trop j’espère ? Il me semble que vous recevez bien des élucubrations de femelles ? Prenez garde à vous car je ne vous ai jamais plus aimé qu’à présent, c’est vous dire que je n’ai jamais été plus jalouse. Je vous surveille sans en avoir l’air. Ainsi prenez garde à mon grand couteau. Vous devriez bien, en attendant que je vous tue, venir vivre avec moi : souper ce soir, déjeuner demain et après des culottes doublées les unes sur les autres pour tenir notre amour chaudement, ce qui ne ferait pas grand mal. Mais vous êtes absurde et vous ne viendrez pas et je serai triste, maussade et détestable. À qui la faute ? Pensez à moi, mon petit homme, et aimez-moi. Tâchez de ne pas me laisser dans ma solitude jusqu’à 1 h. du matin. Je t’aime mon Toto. Je t’aime, mon pauvre amour, c’est bien vrai, bien vrai du fond de l’âme. Je vais lire mon petit album tout à l’heure. QUEL BONHEUR !!!!!a
Je t’aime, je te désire.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16341, f. 72-73
Transcription de Chantal Brière

a) Cinq points d’exclamation courent jusqu’à la fin de la ligne.

Notes

[1Les jours précédents et suivants, elle évoque divers albums : des souvenirs du voyage au Rhin, et le petit livre rouge où elle collectionne les lettres de Hugo.

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