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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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13 janvier [1840], lundi soir, 7 h.

Croirais-tu, mon bon petit homme, que je n’ai pas arrêté de piocher depuis que tu es parti et que j’ai pris à peine le temps de me débarbouiller ? Voilà ce que c’est. Hier en voulant extraire un morceau de ce hideux dindon qui s’était encore [DÉCUIT  ?] depuis la veille, j’ai fait sauter le couteau, le plat, la fourchette et tout le bataclan sur mon tablier. J’ai voulu le détacher ce soir mais, outre que ce n’était pas une petite besogne, ce n’était pas non plus chose facile ; bref j’y ai passé une heure et demie et je crois que je n’en suis pas venue à bout. J’espère que demain j’aurai le même travail à faire pour la robe, ce qui ne laissera pas que d’être amusant. J’avais les cheveux poudrés tout à l’heure à croire que touta l’amidon du 18e siècle m’avait neigé sur la tête. Hem…hem. Non on n’est pas forte sur ses dates, c’est le petit minetb [1]. Comment le trouvez-vous encore celui-ci, hein ? Assez joli pour une femme qui n’en fait pas son état. Rien que ça vaut tous les portefeuilles volés de l’univers. Aussi je n’hésite pas à compter sur le vôtre pour ce soir. Vous seriez bien féroce et bien mal conseillé si vous ne me faisiez pas ce plaisir puisque vous le pouvez et que je vous donne en échange mon petit porte-carte visite chinois. D’ailleurs j’en ai besoin, moi, pour serrer mes trésors d’amour. Je porterai toujours la petite clef à mon cou et le petit portefeuille sous ma tête, ce sera ravissant. Ne me le refuse pas, mon petit chéri, tu n’en auras pas de regret. Suzanne est revenue, nous avons un gros pot de pommadec, nous pourrons nous en licher les barbes. Tu devrais bien venir en mettre tout de suite à la tienne de barbe, cela me donnerait l’occasion de baiser ta chère petite GEULE dont je suis toujours affamée. Oh ! si tu pouvais revenir encore cette nuit coucher avec moi quelle joie ce serait… Oh ! mon Dieu, mon Dieu, que je vous aimerais si vous inspireriez deux fois de suite cette bonne pensée à mon Toto. Je t’aime, mon cher adoré, je t’aime mon Toto chéri. Je me suis réveillée bien des fois cette nuit pour m’assurer de mon bonheur. Tu ne sais pas combien je t’aime.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16341, f. 50-51
Transcription de Chantal Brière

a) « toute ».
b) Le mot est suivi du dessin d’un petit chat :

© Bibliothèque Nationale de France


c) « pomade ».

Notes

[1Petit minet : petit matin.

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