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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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5 janvier [1840], dimanche midi

Bonjour mon petit bien-aimé, bonjour mon cher petit homme. Je me suis porté malheur en te recommandant le dimanche, une autre foisa je ne te dirai rien puisque c’est comme ça et j’attendrai que la chose arrive naturellement puisqu’elle est si facile à effaroucherb. Pauvre bien-aimé, je sais que tu as passé la nuit à travailler et je fais toutes sortes d’efforts pour te dissimuler le chagrin que j’en ai. Tu me recommandais hier de ne pas m’inquiéter de tout ce que nous avions à payer ce mois-ci. Dieu sait que ce n’est pas de ne pas payer que je m’inquiète mais des efforts que tu feras pour en venir à bout. Je n’ai pas besoin de payer mes dettes mais j’ai besoin de ta santé pour vivre. J’ai besoin de ton repos pour être heureuse.
Baise-moi mon Toto, baise-moi mon adoré, aime-moi mon bon petit homme chéri. Il fait si sombre ce matin que je vois à peine à t’écrire. Je voudrais qu’il plût à versec pour que Mme Pierceau et Mme Triger ne viennent pas. Peut-être ne viendront-elles pas sans ça car en quittant Mme Pierceau l’autre soir je ne lui ai rien dit. Dans tous les cas ce sera la dernière ORGIE d’ici à bien longtemps. Quand je pense qu’il faut que tu passes la nuit pour me le donner, bien loin d’y avoir du goût j’en ai horreur. Pauvre bien-aimé petit homme, c’est bien vrai. Quand te verrai-je mon Toto ? Je voudrais que ce fût tout de suite. Je vais me dépêcher de faire la tisaned pour baigner tes beaux yeux si tu viens. Jour Toto, jour mon petit o. Jour mon gros To. Papa est bien i. À propos voilà que je retrouve mon bâton de chocolat dans ma poche. Merci mon Toto, merci mon petit homme, je vous aime.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16341, f. 18-19
Transcription de Chantal Brière

a) « autrefois ».
b) « effarouchée ».
c) « averse ».
d) « tisanne ».


5 janvier [1840], dimanche soir, 4 h.

Que fais-tu mon Toto ? Il me semble que tu m’oublies. J’ai comme une [illis.] indéfinissable qui pourrait bien être une intuition d’un refroidissement dans ton amour. Il me paraît impossible que tu n’aies pas le temps de venir me voir au moins une fois dans la journée puisqu’autrefois tu y venais plusieurs fois par jour et que tu [restais ?] chaque fois plus de temps que dans une seule d’aujourd’hui. Enfin que ce soit [ma ?] faute ou non ce n’en est pas moins triste et j’ai le cœur gros de DÉSIR et d’impatience.
Je voudrais que personne ne vînt aujourd’hui, je ne suis pas d’humeur à voir qui que ce soit que toi. J’espère que ce vilain temps noir les chassera au lieu de les attirer. Et je prévoyais le Mignon n’a pas envoyé. Tu avais parfaitement raison en pensant qu’il n’enverrait pas avant [le 6 ?]. C’est moi qui suis une bête, je voudrais bien n’avoir que lui à contenter ce mois-ci, je ne serais pas si tourmentée pour tes nuits, pour ta santé et pour mon bonheur. Quel [fichu  ?] mois. J’ai repris à Claire son boa qui ne lui servait plus guère de sorte qu’à présent j’ai la parure complètea, il me semble que si tu as l’intention de la donner à cette pauvre petite Dédé c’est la saison ou jamais ? Mais j’oublie que tu m’as défendu d’en parler. Pardon, Toto, je ne le ferai plus jamais mais c’était pour un bon motif. Baisez-moi, mon cher petit bien-aimé, et pensez que je vous désire, que je vous attends et que je vous aime de toute mon âme et de toutes mes forces.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16341, f. 20-21
Transcription de Chantal Brière

a) « complette ».

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