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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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19 mars 1836

19 mars [1836], samedi matin, 8 h. ½

Bonjour mon cher bien aimé. Il paraît que tu as encore travaillé toute la soirée d’hier puisque je ne t’ai pas vu. Je suis bien triste et bien désœuvrée ce matin. Je ne peux m’habituer à ton absence. Plus je vais et moins j’ai de courage pour la supporter. J’ai fait tout plein de rêves de toi cette nuit et tous étaient empreints de tristesse et de douleur. Je suis toute mal à mon aise ce matin, cependant il fait bien beau temps, mais mon vrai beau temps, c’est toi.
J’ai beaucoup à travailler et je n’en ai pas le courage. Il faut pourtant que je sorte de cet engourdissement qui provient du découragement de ne pas t’avoir et de ne pas savoir quand je te verrai. J’attends Mme Lanvin aujourd’hui, je ne sais pas si elle viendra, dans tous les cas il faut que je tienne Claire prête. Si je ne te voyais pas avant qu’elle n’arrive, je lui dirai ce dont nous sommes convenus ensemble relativement à la pension.
Cher petit bien-aimé, tu verras comme je t’aime si tu viens très tôt, et si tu viens tard tu le verras encore plus car j’aurai encore plus souffert.
Je t’aime mon ange. Je pense à toi, je ne pense qu’à toi et je ne désire que toi. Quand donc te verrai-je ? Oh ! je t’aime trop.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16326, f. 207-208
Transcription d’André Maget assisté de Guy Rosa


19 mars [1836], samedi soir, 8 h.

Merci mon Toto chéri, merci, tu m’as mis du baumea dans le cœur à la place du fiel que j’y avais depuis le premier jour des répétitions. Maintenant je suis bien rassurée et je peux t’aimer à mon aise. Aussi je m’en donne à cœur joie. Vous vouliez savoir tout ce que Mme Guérard avait dit de charmant sur votre jolie petite personne et je ne vous en ai dit que la moitié pour ne pas vous donner d’amour-propre. Et j’ai très bien fait. Vous êtes déjà bien trop gentil par vous-même pour qu’on vous le dise à tout propos. Je suis jalouse et de votre amour et de votre beauté. Je souffre quand je crois qu’on cherche à m’enlever votre cœur et qu’on s’aperçoit que vous avez la plus belle tête qui ait jamais existé depuis qu’il y a des têtes. Si j’étais reine, vous ne sortiriez pas autrement qu’avec un bon masque de fer dont moi seul aurait le secret pour l’ouvrir, ce que je ne ferais qu’en bon tête à tête. Mais je ne suis pas reine et la mode des masques de fer est... bien passée, trépassée. Je me contente de dissimuler le plus que je peux les compliments que j’entends dire de vous.
Un événement. Notre soupe que j’avais si bien préparée vient de tourner pendant que je t’écrivais. Décidément, il n’y a que l’amour de bon, même en cuisine. À bientôt, n’est-ce pas, mon bien-aimé ? Votre pot fait joliment bien sur la cheminée. Je vous adore.

Juju

BnF, Mss, NAF 16326, f. 209-210
Transcription d’André Maget assisté de Guy Rosa
[Souchon, Massin]

a) « beaume ».

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