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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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20 septembre [1837], mercredi, 4 h. ¼ du soir.

Je t’aime mon Victor adoré, je t’aime plus que jamais, plus qu’il ne m’est possible de dire. Quand tu t’en vas il me semble que c’est ma vie qui s’en va. Je n’ai plus de goût à rien qu’à t’écrire, je ne peux m’occuper à rien qu’à penser à toi. Tout c’est toi, rien n’existe vraiment pour moi que toi mon adoré. J’ai bien peur que tu ne viennes pas ce soir. Cependant voilà plusieurs fois que j’ai le bonheur de me tromper. Mais ce n’est pas une raison pour n’avoir pas peur que tu me fasses une vraie peur cette fois en ne venant pas du tout. J’ai lua la lettre de David [1], je comprends très bien l’ambition de l’ytalien [2]. Seulement je voudrais bien être à sa place le jour où vous l’admettrez en votre présence. QUEL BONHEUR ! Mais je t’aime moi, je t’aime. Je n’ai pas autre chose à te dire, je ne sens que ça, je ne sais que ça, je ne vois que ça. Je fais des vœux pour que tu viennes ce soir. Il me semble que j’en ressentirais une aussi grande joie que si je devais partir avec toi pour un voyage de six semaines. C’est que je t’aime tant, bien plus qu’autrefois et autrefois je t’aimais de toutes mes forces, de tout mon cœur, de toute mon âme, ainsi juge !

Juliette

BnF, Mss, NAF 16331, f. 187-188
Transcription de Sylviane Robardey-Eppstein

a) « lue ».


20 septembre [1837], mercredi soir, 9 h. ½

Je le disais bien, mon cher adoré, que vous ne viendriez pas ce soir. Et pour comble de malencontre, Claire n’a pas trouvé son père qui est à la campagne. Depuis dimanche j’ai dîné avec Mme Lanvin. Ses hommes sont venus la chercher plus tard. Les voilà tous partis maintenant et mon premier soin, mon premier besoin est de t’écrire. Penses-tu à moi mon amour ? Moi je n’en perds pas une seconde de ta pensée, pas une parcelle de notre amour. Je garde tout rigidement et fidèlement. Si je pouvais être plusieurs, j’aurais encore trop d’amour. Je t’aime bien plus qu’une femme ordinaire. Je t’aime sans bornes et sans termes de comparaison [3]. Ô viens ce soir mon adoré. Viens pour que je sente ton haleine, pour que je baise tes chers petits pieds et pour que je sois la plus heureuse et la plus fière des femmes. Il me semble qu’après ton dîner tu pourras aisément avoir besoin de revenir à Paris [4], et moi j’ai tant besoin de te voir que tu viendras tout de suite chez moi. Ce sera très gentil et très doux arrangé comme cela. En attendant je vais bien vous aimer, je vais bien ne penser qu’à vous. Soir pa, soir man.
Je t’aime je t’aime
Je t’aime je t’aime
Je t’aime je t’aime
Je t’aime je t’aime je t’aime

Juliette

BnF, Mss, NAF 16331, f. 189-190
Transcription de Sylviane Robardey-Eppstein

Notes

[1Allusion à une lettre de David d’Angers à laquelle Hugo répondra dès le lendemain.

[2Variante ludique pour « l’Italien ». Il s’agit du baron Alberto Nota, important rénovateur de la littérature dramatique dans son pays. Il était de passage à Paris durant l’été 1837. David d’Angers a écrit à Victor Hugo alors à Auteuil pour lui proposer de rencontrer Nota.

[3Jeu de mots sur les deux sens du mot « terme » (« fin » et « élément »).

[4Victor Hugo est alors en famille à la maison de campagne d’Auteuil.

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