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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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4 mars 1836

4 mars [1836], vendredi matin, 8 h. ½

Bonjour mon adoré, bonjour mon petit homme chéri. Je suis réveillée de très bonne heure parce qu’on avait donné d’immenses coups de sonnettes chez moi. J’ai fait appeler la portière pour savoir ce que cela voulait dire. Elle m’a répondu : que c’était le raccommodeur de faïence mais cette femme est si menteuse que je ne sais à quoi m’en tenir.
Au reste je ne me plains pas. Je t’écris plus tôt, je pense à toi plus fort et je t’aime de toute mon âme. Je vais profiter du temps que j’ai devant moi pour écrire à Mme Lanvin car il faut enfin que nous prenions le parti de déménager le plus vite possible.
J’espère, mon petit Toto chéri, que tu ne te ressens plus de ta douleur de côté. Je ne veux pas que tu souffres, moi. Le mal n’est pas fait pour toi. C’est bon pour une vieille bête comme moi. Mais il n’est pas juste qu’il s’attaque à un joli petit homme comme vous.
Bonjour.
Vous êtes ma joie, vous êtes mon petit Carle Vernet [1], vous êtes mon Toto méchant, vous êtes mon amour et vous êtes mon amant bien aimé.
Je vous attends à pied comme à cheval et vous baise de toutes les manières.

J.

BnF, Mss, NAF 16326, f. 163-164
Transcription d’André Maget assisté de Guy Rosa


4 mars [1836], vendredi soir, 7 h. ½

Mon cher petit homme chéri, je t’écris avant dîner parce que la soupe n’est pas encore prête, et puis aussi parce que j’ai été bien méchante et que je veux t’en demander pardon de tout mon cœur.
Je ne sais pas si c’est le mal qui me rend méchante, ou si c’est la méchanceté qui me rend malade, mais ce que je sais, c’est que je souffre des douleurs atroces comme je n’en avais pas ressenti depuis longtemps. Si je m’écoutais, je crierais de toutes mes forces. Je ne peux pas y tenir, mon Dieu. Le cœur me manque, je t’écris ma lettre à bâtons rompus. Mais je te l’ai déjà dit, je sens le besoin de te demander pardon de ma maussaderie et de mes sottises. Je t’aime, vois-tu, mon pauvre Toto, je t’aime de toute mon âme. J’ai quelquefois du chagrin, de l’ennui, de l’inquiétude qui obstruent ma cheminée et qui la font fumer plus que de raison, mais le feu d’amour qui brûle dedans n’en est pas moins vif ni moins brillant pour cela. Je prends mes images un peu du haut en bas mais qu’importe si je parviens à te faire comprendre que je t’aime.
Bonjour mon amour, bonjour mon Toto, tâche d’oublier ma maussaderie pour venir plus vite auprès d’une très aimable et très aimante fille appelée.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16326, f. 165-166
Transcription d’André Maget assisté de Guy Rosa

Notes

[1Sans doute le peintre, mais on ne voit pas la raison de cette dénomination.

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