28 novembre 1855

Guernesey, 28 novembre 1855, mercredi, midi ½

La petite lueur de bonheur que je vois poindre à l’horizon du dîner ce soir suffit pour dorer cette maussade journée pluvieuse d’un rayon de joie. Il fait beau dans mon cœur, mon cher petit homme, et je serai tout à fait heureuse s’il fait beau aussi dans le tien. En attendant, c’est à peine si j’y vois assez pour te gribouiller ce petit chiffon de restitus. Les Préveraud voudraient m’emmener avec eux mais je ne suis pas en train de sortir et puis j’espère que tu viendras tout à l’heure m’apporter à copire. Du reste, je prévois une mine chafouine^a à cacafouille ce soir de la part du citoyen sans tête lequel se dit, ou se croit ou se fait malade, histoire de passer le temps. Mais je suis résolue à être de bonne humeur et de bon appétit pour te montrer le bon exemple. Tel^b est mon bulletin de santé. À propos, il paraît que les Jersiais ont trouvé leur voleur au nid de Serk et qu’ils l’ont ramené canot tenant à Jersey [1]. La nouvelle en est arrivée ce matin à l’hôtel par le packet [2]. Il me sera difficile maintenant de prendre les informations que tu désirais au sujet du yatch guernesiais. Mais je crois qu’il y a très souvent des communications quasi régulières avec Serk et qu’il nous sera facile d’y aller quand nous voudrons. En attendant je ne demande pas mieux que d’être heureuse à Guernesey [3] si tu VEUX bien m’y aimer et n’aimer que moi depuis le matin jusqu’au soir et du soir au matin.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16376, f. 378-379
Transcription de Magali Vaugier assistée de Guy Rosa

a) « chaffouine ».
b) « telle ».