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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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Guernesey, 16a novembre 1855, vendredi, midi ½

Je viens de laisser partir les Préveraud, les Ratier, et les Vallerotb, mon cher petit homme, dans l’espoir que tu viendras peut-être bientôt et que nous pourrons faire ensemble une bonne petite promenade sans aucune espèce de fâcheux. Il paraît que le dîner et la soirée d’hier ont été charmants à ce que m’a dit Mme Préveraud qui est encore sous le charme de la cuisine d’Olive [1] et de la bonne grâce de tes femmes [2]. Du reste, l’arrivée des vieux messieurs Ratier et Vallerotb, y compris huit colis, occupe et affaire tout ce petit ménage aujourd’hui. Quant à moi, je t’aime immuablement et stationnairement ; tous les incidents et même les événements de ce monde ne sauraient me distraire de cette douce occupation, t’aimer, t’aimer, t’aimer.
J’ai écrit les deux lettres Dulac et Larrieu [3] mais je crains que l’arrivée de ces messieurs ne me force à en modifier au moins une à cause de la date. Tu verras toi-même si c’est nécessaire.
Je pense que tu feras peut-être la fameuse promenade projetéec aujourd’hui. Dans ce cas-là je ne te verrais pas avant ce soir, c’est bien long et bien triste. Cependant, mon cher petit homme, je te promets d’être bien patiente et bien courageuse en t’attendant. De ton côté, il faudra que tu me rendes tous mes jours de perdus et que tu me fassesd un rabibochage monstre de dîners et de promenades. A cette condition, je me résigne à rester au coin de mon feu comme un [OU ?] et je consens à vous sourire comme un chien. Je vais profiter de l’absence de ma SOCIÉTÉ pour raccommoder mes jupesf. A propos il paraît que Philippe Asplet a donné un énorme coup de poing entre les deux yeux du hideux Lemoinnee [4] et que l’affaire va aller en cour. Ratier te racontera la chose en détail. Quant à moi, je ne demande que plaie et bosse pour tous ceux qui nous ennuient. Telf est mon angélisme. Sur ce, je t’administre une volée de baisers sur tout ton cher petit corps au risque de le meurtrir et de lui faire des noirs, des bleus et des rouges et de toutes les couleurs.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16376, f. 352-353
Transcription de Magali Vaugier assistée de Guy Rosa

a) La date a été corrigée d’une autre main, initialement datée du 15.
b) « Valereau ».
c) « projettée ».
d) « fasse ».
e) « Lemoine ».
f) « telle ».

Notes

[1Cuisinière de la famille Hugo à Guernesey.

[2Les Adèles et Auguste Vacquerie arrivent sur l’île le 9 novembre.

[3Mme Larrieu a peut-être écrit pour envoyer de l’argent à la caisse de secours. Dans son agenda, Victor Hugo note « 25 F. de Mme Larrieu » (CFL, t. X, p. 1387).

[4Le proscrit Lemoinne est suspecté d’espionnage et d’avoir des rapports avec le consulat français. (CFL, t. VIII, p. 1518.)

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