29 juillet 1867

Bruxelles, 29 juillet [18]67, lundi matin, 8 h.

Bonjour, mon cher bien-aimé, bonjour, comment la nuit ? Bonne, je l’espère, malgré tes gouttières. Comme tu as tort, mon pauvre adoré, de jouer avec ta belle santé et de la risquer avec cette indifférence, le tout pour ne pas dire chez toi : « Il pleut dans ma chambre. Faites venir le maçon. » Comme c’est difficile. Au lieu de cela, tu préfères te donner des bons petits rhumatismes et des charmantes sciatiques avec lesquelles il est si doux de vivre (voir aux renseignements chez le citoyen Vacquerie, si digne de ce nom). Quant à moi, je bisque dans ma pauvre vieille peau. C’est tout ce que je peux faire mais je m’en acquitte bien. Cela ne m’empêche pas de dormir comme un noir et d’avoir mal à la tête et le torticolis ce matin. Mais aussi quel temps ! quel temps !! quel temps !!! Le moyen de voyager avec cette pluie canulante [1] ? Hélas ! je crains que cet été ne se passe comme l’autre, entre le bois de la Cambre [2] et Berru, entre Berru et le bois de la Cambre, avec mon jour en moins car je vois bien qu’il me faut y renoncer. C’est plus facile à dire qu’à faire mais je reconnais que cela ne peut pas être autrement, la situation étant donnée.
Quel pitoyable gribouillis je te donne ce matin, mon grand adoré. Tout en est stupide et ennuyeux, comme le temps qu’il fait en ce moment-ci et pourtant jamais mon amour n’a été plus éclatant et plus radieux au fond de mon âme.

BnF, Mss, NAF 16388, f. 201
Transcription de Jeanne Stranart assistée de Florence Naugrette