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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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Jersey, 29 juin 1855, vendredi matin, 6 h.

Bonjour, mon bien aimé petit homme, bonjour, je t’aime déjà depuis bien longtemps ce matin car je suis levée depuis plus d’une heure et je ne m’en plains pas puisque je peux penser à toi et jouir du plus beau soleil et de la plus belle mer du monde en ce moment. Je t’aime dans tout l’épanouissement de cette splendide matinée, je t’aime avec tout mon cœur et toute mon âme, je t’aime.
J’ai été très agitée toute la nuit et j’ai à peine dormi quelques heures. Cependant à part un peu de courbature, je ne souffre pas ce matin. Je guette le passage d’Asplet [1]. Peut-être ne viendra-t-il pas ce matin uniquement parce qu’il serait utile qu’il vînt. Je viens de voir tout à l’heure passer ses enfants et ses domestiques qui sortaient de se baigner ; il m’aurait fallu faire courir après pour leur dire de prier leur père de venir causer avec moi ce matin mais je ne l’ai pas fait dans l’espoir de le voir plus naturellement tout à l’heure. J’aurai bien pris mon premier bain aujourd’hui, mon cher petit phoque, si je ne sentais pas les avant-coureurs d’une certaine chose fort ennuyeusea. Aussi je m’abstiens par prudence encore quelques jours. Ah ! voici qu’on signale Asplet à l’horizon. Suzanne lui fait signe. Justement le voilà.
J’ai fait ta commission, mon cher petit homme, Philippe [2] étant avec son frère. Ils ont dit qu’ils feraient tout ce qu’il est possible de faire pour obliger Téléki et le sortir d’embarras dans la mesure de leur force et autant que la prudence le permettrait.
J’ai fini par une invitation collective à dîner ce soir chez moi mais je ne pense pas qu’ils y viennent. Enfin, mon cher petit homme, je sais que Philippe croit avoir mis la main sur les vrais coupables de ton guet-apensb [3]. Il ne m’en a pas dit davantage, pressé qu’il était de prendre son bain en compagnie de nombreux Jersiais qui l’accompagnaient. Et puis je t’aime comme de plus belle et de plus en plus fort.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16376, f. 263-264
Transcription de Magali Vaugier assistée de Guy Rosa

a) « ennuieuse ».
b) « guet a pens ».

Notes

[1Juliette attend le passage de Charles Asplet.

[2Philippe Asplet. On ne sait de quelle commission il s’agit.

[3Le 25 juin, en se promenant au Rocher des Proscrits, Hugo a reçu un jet de pierre sur la tête, qui l’a laissé ensanglanté.

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