12 février 1861

Guernesey, 12 février 1861, mardi matin, 8 h. ½

Bonjour, mon doux adoré, bonjour et bonheur si tu as passé une bonne nuit et si tu es content de ta gorge ce matin. Quant à moi, mon cher bien-aimé, je t’aime, voilà ma santé et ma vie et je suis heureuse quand tu ne souffres pas et que tu me souries. Il a gelé à glace cette nuit mais il fait bien beau ce matin et j’espère que ce temps ne te sera pas défavorable et que nous pourrons faire une petite promenade ensemble tantôt. Sans reproche, mon petit homme, voilà trois jours que je me tiens prête à l’heure et que vous allez tout seul comme un q. u. e. et que chéon [1], sans me demander même si je peux vous accompagner. Ce procédé médiocre me touche sensiblement et je vous prie de ne pas le renouveler^a , à moins que cela ne vous arrange mieux ainsi, auquel cas je rentre mes cornes et je garde ma maison. Il faudra aussi songer à m’apporter du papier à copire puisque tu tiens à ce qu’il soit pareil d’un bout à l’autre. Quant à moi, je n’y vois aucun avantage, mes manuscrits n’étant pas de ceux qu’on met sous verre mais après tout, cela te regarde et tu dois avoir de bonnes raisons pour te donner cette peine de m’orner de ce beau papier. Donc, je me laisse faire, regrettant seulement que ma calligraphie ne soit pas plus raffinée. Taisez-vous, baisez-moi et venez gober mon œuf tout chaud bien vite.

BnF, Mss, NAF 16382, f. 41
Transcription de Sophie Gondolle assistée de Florence Naugrette

a) « renouveller ».