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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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Guernesey, 17 février 1862, 7 h. ½

Bonjour, mon cher adoré, bonjour, mon cher anniversaire, bonjour, soyez bénis tous deux, je vous adore. Il y a aujourd’hui vingt-neuf ans que je t’aime, mon cher adoré. Vingt-neuf ans que tu es mon bonheur, mon espoir, ma force, ma religion, mon amour et mon adoration. Sois béni de Dieu comme tu l’es par moi. J’ai le cœur si plein que tout mon être se gonfle d’émotion en pensant à cette date sacrée [1]. Ma pensée et mes yeux y restent fixés sans pouvoir s’en détacher et j’en oublie ma pauvre RESTITUS qui pourtant s’était faite plus grande en l’honneur d’elle. Il n’est pas jusqu’à mon cher petit livre-rouge que j’ai tiré de son étui ce matin pour le relire comme un acte de foi, d’espérance et d’amour avant même que le jour soit commencé par une autre action que celle-là. Je ne sais pas si j’oserai te demander d’y ajouter quelques mots tantôt, tant je te sais occupé et fatigué mais dans le cas où j’aurais cette pieuse et ardente indiscrétion, il ne faudrait pas y consentir si cela devait te surcharger l’esprit et surtout, mon trop bien-aimé, il ne faudrait pas m’en vouloir car Dieu sait comme je redoute tout ce qui peut te faire mal [2]. Cher adoré, j’espère que tu dors encore et que tu as passé une bonne nuit. Je pense au moment où tu feras ton ablution pour te baiser de la tête aux pieds. En attendant je t’envoie mes plus tendres [illis.].

BnF, Mss, NAF, 16383, f. 43
Transcription de Marie Rouat assistée de Chantal Brière
[Souchon, Pouchain]

Notes

[1La première nuit d’amour de Juliette et Victor (du 16 au 17 février 1833) est fêtée par eux chaque année. À cette occasion Hugo écrit une lettre rituelle dans le « petit livre rouge » de Juliette.

[2Hugo lui écrit : « Nos cheveux sont blancs. Il y a vingt-neuf ans, ils étaient noirs ; voilà tout le changement. Nos cœurs sont les mêmes. Ils sont comme si 1833 était hier, et pour eux les trente ans sont trente heures — que Dieu soit béni ! / Le plus grand morceau de la vie est derrière nous ; nous avons laissé la jeunesse terrestre ; nous approchons de la jeunesse éternelle. C’est là la grande aurore, et dans cette grande aurore, il y a le grand amour. Ô mon doux ange, si haut et si immense que soit cet amour éternel, il surpasse le nôtre en félicité, mais il ne surpasse [sic] en grandeur. Nos cœurs, quand nous mourrons, entreront de plain-pied dans cet amour-là. Nous n’aurons de plus que l’éternité. / Et ici encore, bénissons Dieu ! Je t’aime. » (Lettre publiée par Gérard Pouchain, édition citée, p. 143.)

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